Petite question apparemment simple, mais qui ne semble pas évidente pour tout le monde, au lendemain d'attentats encore plus meurtriers que les précédents.
La petite question appelle une petite réponse de ma part, ou en tout cas une petite réflexion.
Le combat de Daesh est sans aucun doute un combat territoriale au moyen orient. Ils ont besoin de terre, comme tout groupe d'individus désireux de vivre sous des règles communes. C'est peut être ça qui fait un peuple au passage, simplement : un désir de vivre selon des règles communes, la reconnaissance de lois par tous, leur acceptation à défaut de leur soumission.
Mais en dehors de ce territoire, de cette guerre localisée, leur combat est tout autre, nécessairement.
Nécessairement, car ils n'ont pas les moyens de faire autrement, pour l'instant. Nul doute que s'ils pouvaient, ils éradiqueraient tous les infidèles pour ne laisser qu'un monde gouverné par leurs règles, mais dans leur folie, ils gardent un peu de logique, un peu de raison : ils ne peuvent attaquer le monde de front.
Ils ne cherchent pas à simplement instaurer la peur chez nous, ils ne cherchent pas à être le moustique qui nous empêche d'être tranquille, ils ne cherchent pas à lutter contre nos symboles pour nous faire changer : même cette tâche est hors de leur portée pour l'instant. En attaquant Charlie, ils l'ont sans doute renforcé (même si le doute est permis) et ce n'est pas en attaquant les terrasses et les lieux de divertissement que nous allons changer nos pratiques, que nous allons purifier notre civilisation. Ce n'est pas ce qu'ils cherchent. L'enjeu ne se situe pas sur ces symboles je pense.
Leur objectif est à mon sens plus pragmatique (et machiavélique?), même si on peut lui trouver aussi une portée symbolique. Leur objectif est d'accroître les tensions qui existent au sein même de notre peuple, leur objectif est de provoquer un rejet des musulmans normaux par le reste de la population. Ce rejet constitue la base de leur mouvement, de leur idéologie : il est nécessaire pour eux de l'entretenir, de manière à ne plus savoir qui est venu en premier : la poule ou l’œuf, le rejet des musulmans ou Daesh et le rejet de l'occident.
En provoquant le rejet des musulmans par les républiques occidentales, ils pourront mieux les récupérer. Lorsque les musulmans ne se sentiront plus chez eux en Europe, alors ils seront des proies faciles à convertir pour Daesh, ils viendront grossir leurs rangs dans la foulée, que ce soit pour peupler leur futur territoire, ou pour grossir leur armée.
Se refermer sur nous mêmes et exclure l'Autre, c'est vraiment céder à Daesh, c'est faire son jeu, c'est l'alimenter, c'est faire ce qu'il ne peut pas faire tout seul.
Et une fois qu'on en sera arrivé là, la véritable guerre pourra commencer : deux blocs se feront face à face.
Comme je disais, on peut aussi trouver une portée symbolique à cet objectif : la lutte ne porte pas sur les habitudes de notre société, mais sur son modèle. Notre société suppose un vivre-ensemble, accepte un métissage, un brassage culturelle. En provoquant la scission, Daesh tient à nous montrer que ce modèle ne tient pas la route, qu'il est illusoire et qu'il vaut mieux donc se regrouper entre semblables : le mélange ne fonctionne pas, il est nécessaire de choisir son camp. Et le choix sera fait par défaut pour ceux qui se sentiront rejetés par un camp... Ce modèle vacillait déjà sans Daesh, je crains que sa chute n'en soit qu'accélérée.
Il ne s'agit pas seulement de résister à la peur, il s'agit de continuer à espérer.
Il ne s'agit pas de penser en terme de destruction de l'autre, il s'agit aussi de penser en terme de croissance de son modèle de civilisation. En excluant une partie de la population, nous amputons sérieusement notre capacité de croissance, et ainsi notre pérennité.
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