dimanche 29 novembre 2015

Le premier homme à jeter une insulte plutôt qu'une pierre est le fondateur de la civilisation

Citation de Sigmund Freud ce soir, ça faisait un petit moment que je l'avais en tête, sans savoir d'où elle venait (télé? lecture?) ni de qui elle venait. J'aurai au moins réussi à répondre à une interrogation sur deux.

Voilà en tout cas une citation qui réhabilite l'insulte. Toutes proportions gardées bien entendu, il ne s'agit pas de jurer comme un charretier et d'insulter à tout va comme si nous étions atteints de la Tourette.


L'insulte et le juron, lorsqu'ils sont des palliatifs permettant d'extérioriser verbalement notre colère ou notre frustration sont les bienvenus. Ils sont positifs dans la mesure où ils remplacent le passage à l'acte, ils remplacent la violence.
Et c'est en effet sans doute une étape importante (la première?) dans la fondation d'une civilisation, ou d'une société : elle marque le premier pas vers la fin de la violence, vers la maîtrise de soi, de ses instincts primaires, vers la primauté de la raison et de la communication sur la force brute.

Bon, on peut aussi voir l'insulte comme la réaction du faible par rapport au force : ne pouvant l'affronter directement, il se contente de l'approche verbale. Mais même ça, c'est un premier pas important, car il suppose quasiment instantanément que le fort fasse de même. Car si en retour de son insulte le faible se fait mettre en pièces, où est son intérêt ? Bon si en plus le faible est bête, je ne peux plus rien pour lui, mais sa bêtise l'aurait sans doute fait frapper le plus fort :) Trêve de digressions...

Bref, l'insulte est un marqueur important de civilisation sur deux points :
- le fait que l'insulte marque une certaine maîtrise de soi. On arrive à faire taire ses instincts pour les remplacer par de simples mots, de simples paroles en l'air. C'est un trait qui nous sort de notre état animal, et nous fait donc rentrer dans un début de monde civilisé. Nous ne nous comportons plus comme des animaux ni comme des barbares, mais comme des personnes civilisées.
- l'insulte marque aussi la prise de la conscience de l'homme de sa place dans une société. Il ne se voit plus comme une unité totalement libre et autocentrée. Il se voit comme faisant partie d'un groupe, basé sur autre chose que des rapports de force à l'état brut. Nous sortons de l'individualité et des clans pour fonder des rapports plus complexes et plus nuancés.

Bref, l'insulte marque un changement profond dans notre rapport à nous mêmes et dans notre rapport aux autres : nous ne nous considérons plus comme une bête, et nous ne considérons plus les autres comme des bêtes.

L'insulte est perçue aujourd'hui comme l'expression d'une certaine bestialité, alors que c'est le contraire : elle est ce qui nous a permis de sortir de cet état. Certes, il ne faut pas qu'elle soit ce qui nous replonge dans cet état : il ne faut pas multiplier les insultes, et surtout il ne faut pas qu'elles augmentent les tensions, qu'elles provoquent jusqu'à ce qu'éclate la violence. Si aujourd'hui elles ne sont plus qu'un moyen pour légitimer la violence, alors oui, notre civilisation est sur le déclin. Mais dans les autres cas, l'insulte est juste salutaire et permet simplement de relâcher un peu de pression interne et de revenir rapidement à un discours raisonné. Et l'absence d'insultes ne marquera qu'une trop grande retenue, et sera le signe sans doute de frustrations et de refoulements.


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