samedi 21 novembre 2015

Des effets de l'ingérence...

Imaginez, vous avez un voisin violent : il bat sa femme, mais à côté de ça il reste relativement propre sur lui. Il arrive à masquer ça au reste de sa famille, à ses collègues...

Que faites vous?

Première solution : de l'ingérence forte.
Vous allez faire peur au voisin, le menacez, ou plus civilement vous le faites enfermer.
Le problème est réglé, la femme est sauve.
Oui mais... le petit qui n'aura peut être pas tout compris grandira sans père, avec l'idée que vous êtes le responsable de cette absence, de cette injustice. Idem pour le reste de la famille, qui ne croira jamais la thèse selon laquelle le mari battait sa femme, et cherchera des causes ailleurs, pour finir par vous accuser : vous aviez forcément un mobile caché (draguer la femme, problème de voisinage, argent, racisme...). La femme d'ailleurs pourra même vous en vouloir, surtout si elle ne parvient pas à refaire sa vie ensuite : si elle suffisamment sous l'emprise de son mari pour ne pas le fuir, elle pourra aussi repenser à lui avec nostalgie. La mémoire est sélective...
Sans le vouloir, vous en aurez fait un martyr, et vous aurez semé les graines de la vengeance. Vous aurez agi avec les meilleures intentions, mais vous aurez malgré vous fait progresser la haine. Vous l'aurez diluée sur l'instant (plus de violence directe), mais la haine diluée aura aussi multiplié les foyers de haine.

Deuxième solution : de l'assistance directe.
Vous aidez la femme à prendre conscience de la situation, vous l'aidez même financièrement si besoin, vous organisez avec elle sa fuite et sa réinsertion.
Deux choses peuvent se produire alors : soit la femme finit par retourner voir son mari, auquel cas votre investissement sera vu comme pure perte, soit la femme réussit à refaire sa vie.
Dans les deux cas, le mari violent vous en voudra, et avec lui, tout ceux qu'il aura convaincu. Dans le second cas, vous pouvez au moins penser que la haine ne sera pas transmise de génération en génération : avec un peu de chance, l'enfant ne se verra plus comme manipulé par vos soins, mais il se verra emporté par sa mère. On peut espérer avoir réussi à briser un cercle vicieux...

Troisième solution : de l'assistance générale.
Vous ne cherchez plus à aider directement la femme, mais à isoler le mari. Vous faites savoir à tout le monde (famille, collègues...) ce qu'il fait le soir à l'abri des regards. Vous le dénoncez, mais pas seulement aux autorités, mais à la communauté. Ce faisant, vous espérez que la communauté vous suive, et soit qu'elle prenne le problème à son compte : sa famille peut essayer de l'aider, de le faire changer, la prise de conscience globale peut se même propager jusqu'au mari violent. Et si ce n'est pas le cas, vous espérez que le mari finisse suffisamment isolé pour qu'il perde son emprise sur sa femme et son entourage.

Petit exercice critique autour de ces trois solutions.
La première est une solution court terme. Cette voie risque probablement de nous emporter vers une escalade de la violence. Lorsque l'ennemi est vaincu, il est humilié : l'humiliation ne passe jamais. La seule façon d'empêcher les représailles est de les anticiper, et donc d'en éradiquer tous les foyers. Propos très machiavélique (au sens premier) : lorsqu'un seigneur est renversé, il ne faut pas laisser en place sa cours...
La deuxième solution est plus longue à mettre en place, plus longue à faire effet, plus coûteuse et reste incertaine. Aucun conflit direct ne sera épargné : un mari qui perd sa femme n'a pas besoin d'autres raisons pour devenir violent :)
La troisième solution sera très lente, et pourra à la fois être vue comme de la non-assistance et comme propagande. En effet, non seulement vous n'aidez pas la femme, mais vous la mettez davantage en danger en la mettant au milieu d'un conflit plus global que son simple souple, et c'est bel et bien une forme de propagande, de campagne de diffamation. Cette solution sous-tend l'idée d'exemple et d'exemplarité : celui qui se permet de critiquer un comportement se place nécessairement en exemple, au moins dans les idées. Le conflit risque donc de se déplacer sur ce terrain, celui des idées. Et chacun critiquera alors les imperfections de l'autre, quitte à sombrer dans la caricature, ce qui pourra faire émerger des extrémistes. Le combat des idées n'est pas forcément plus facile à remporter que les autres, ni moins sensible ou moins conséquent. A supposer que les discours restent raisonnés, cette méthode aura au oins l'avantage de bien marquer les différents camps : chacun devra prendre position sur ses pensées, sur ses valeurs. Chacun pourra choisir ses valeurs en connaissance de cause. L'hypothèse de la discussion raisonnée reste bien entendu utopique, malheureusement...

Bref, face à un problème aussi simple, il n'y a pas de bonne solution.
Plus on simplifie le problème plus on aura tendance à retenir la première solution. Mais cette simplification fait de nous des aveugles volontaires. Aucune solution n'est parfaite, La solution consiste sans doute à accepter cette complexité et à essayer sans arrêt de trouver le meilleur équilibre entre ces trois approches.
L'exemple était simple, projetez le maintenant sur des nations et des idéologies portées par des peuples entier. La mondialisation du monde l'a rendu infiniment complexe...

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