Je reviens aux sources : la définition des termes, du vocabulaire.
Commençons par l’étymologie, même si celle-ci n'est pas synonyme de vérité, elle permet de voir les évolutions et les nuances.
Pas de chance, l'étymologie n'a pas l'air des plus claire, avec déjà un sens propre et un sens figuré. Mais bon, généralement le sens figuré est une évolution du sens propre.
Bref, le sens premier : renverser, mettre sans dessus dessous (pervertir)
Et le sens figuré : appliquer à contre-temps, faire mal tourner, corrompre, fausser.
Ce que j'en retiens : pervertir, c'est simplement détourner de l'usage normal. C'est donc dénué de sens moral, de bien ou de mal (si ce n'est que la norme est teintée de moral). On retrouve d'ailleurs ce sens neutre lorsqu'on l'applique à des objets.
Utiliser un marteau pour tuer quelqu'un, c'est en faire un usage pervers.
De la même manière, utiliser du poison pour soigner, c'est en pervertir l'usage.
Tout réside donc dans le sens qu'on donne aux objets, aux choses, aux actions, à la nature.
Pour définir un usage pervers, il est nécessaire de définir avant un usage normal, un usage naturel. Comme si les choses avaient un but en elle même. Un marteau a t'il un sens, un objectif, un usage naturel? Un arbre? Un être humain?
C'est à la fois une question de croyance : Dieu a t'il créé la vie avec un sens, chaque chose a t'elle une place et une fonction définie? Existe t'il un plan mystérieux gouvernant l'univers et toute chose? Si oui, alors la notion de pervers prend tout son sens (mais bon : s'il existe un plan caché, alors peut on réellement y échapper et créer des actions perverses, ou avons nous le pouvoir de détourner ce plan et de le pervertir... on crée un paradoxe à ce niveau)
Et une question de subjectivité. Si on ne croit pas en un sens naturel transcendant, alors on peut croire en un sens artificiel, humain. Les choses ont le sens qu'on leur donne. L'homme a fabriqué le marteau pour enfoncer des clous : le marteau n'a pas de sens en lui-même, mais l'homme lui en donne un.
Apparaissent alors deux nouveaux problèmes : le sens humain n'est ni universel ni permanent. Pour des cas simples, on peut convenir d'un sens universel : le marteau est fait pour enfoncer des clous. Mais pour des cas complexes, le sens humain sera personnel et changeant, au gré des philosophies et des sociétés. Comment pouvons nous définir une norme dans ce cas là ? La notion de perversité devient tout aussi fluctuante et personnelle, ou en tout cas liée à la société et aux courants majoritaires. Selon l'époque, il sera jugé pervers de voir une femme travailler, de discuter d'égal à égal avec un esclave, d'avoir un rapport homosexuel... L'homme cherchera toujours dans ce cas à justifier son raisonnement et sa norme en cherchant à s'appuyer sur des lois naturelles : la femme est de plus faible constitution, donc elle n'est pas faite pour travailler, la reproduction nécessite un homme et une femme, donc les rapports homosexuels ne sont pas naturels... Mais ces raisonnements sont circulaires : ils ne trouvent des justifications que dans leur propre source. Ils supposent que le but de la vie est la procréation (tout ce qui nous en écarte devrait donc être interdit) ou que les muscles ont comme objectif de travailler. En plus d'être circulaires, ces raisonnements sont extrêmement limitants car ils ne rendent pas compte de la complexité de la vie : ils poussent à définir un usage à chaque concept : tout autre usage devenant pervers. Tout devient alors interdit. Il est donc vital de garder à l'esprit que nos définitions de normes ne sont que temporaires et volatiles.
Conclusion (car je commence à avoir mal à la tête :) ) : il n'y pas de réelle perversité. Elle n'est définie que par rapport à ce que chacun accepte comme normal ou naturel, selon son idéal ou sa croyance, ou plus généralement selon sa lecture du monde.
On peut aussi définir une perversité commune, par rapport à la norme commune. La norme commune étant proche de la morale : il est normal de faire le bien, en tout cas c'est la norme visée, il est normal de respecter autrui, il est normal d'accepter les règles de vie en société... Le pervers devient alors celui qui a un penchant naturel pour faire le mal. Et on arrive (enfin) à la définition actuelle du mot.
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