jeudi 4 décembre 2014

Les subprimes selon Paul Jorion

Petite autopsie de la crise des subprimes selon Paul Jorion, l'homme qui a vu venir la crise avant les autres (et il n'était pas seul)

La crise des subprimes serait avant tout dû à une erreur scientifique, ou plutôt à l'abandon de l'approche scientifique dans les sciences économiques.
Je savais déjà que l'économie n'avait rien d'une science (telle qu'elle est pratiquée en tout cas), mais là j'en ai la preuve, ou du moins un indice de poids.

Petit rappel vulgarisateur pour commencer : les subprimes sont les prêts à risque accordés à des ménages dont on doute de la capacité à rembourser correctement, pleinement et en temps en en heure la somme emprunter. Ces subprimes sont ensuite regroupés, titrisés. Ce qui est drôle, c'est que le revenu généré par ce titre, par cette action, est basée sur le taux d'emprunt : donc plus l'emprunt de base était risqué, plus le revenu de ce titre était élevé. Il y a une certaine logique derrière tout ça, mais malheureusement, en passant sous la forme de titre, on a perdu la notion de risque.

La notion de risque était présente au début, mais la complexification du titre a suffit à perdre en chemin les économistes, trop éloignés de la réalité. Ils ont bâti leurs modèles non pas sur la connaissance du réel, mais sur leurs connaissances empiriques : ils se sont rendu compte que finalement les prêts à risque étaient quasiment toujours remboursés -normal dans une économie en expansion, soutenu par des politiques ou des bulles spéculatives. Cette réalité de surface a pris le pas sur les explications plus profondes, et donc petit à petit la notion de risque a disparu, les provisions pour palier ce risque ont fondu, elles étaient elles aussi revendues, réutilisées pour faire plus d'argent, plus vite. Et voilà comment la finance perd tout lien avec le monde réel, en modifiant ses modèles en se basant sur des épiphénomènes qui l'arrange, en adoptant un point de vue biaisée, ou myope.

Cette disparition du risque a même été justifiée par des théories économiques. En regroupant les personnes à risques, les économistes y ont la logique d'une assurance mutualiste : si un emprunteur ne peut pas rembourser son prêt, alors les autres prendront le relais, paieront pour lui. Sauf que ces économistes auraient mieux fait de voir les conditions d'utilisation de telles pratiques : ça ne marche que lorsque le risque est minime, calculé et apparaît de manière indépendante chez les individus. Si tout le monde est touché par le même risque en même temps, alors les assurances s'écrouleront (et c'est bien pour ça que les assurances ne marchent pas dans des circonstances exceptionnelles telle que la guerre) or c'est exactement ce qu'il se passe en économie lors des récessions. Lorsque l'économie stagne, c'est un risque global de voir des emprunts de particuliers non remboursés qui apparaît, ce n'est plus un risque marginal, individuel et exceptionnel dû à une maladie ou à un accident. La finance cherche à s'appliquer sans cesse des modèles scientifiques issus d'autres domaines, sans justifier que ceux-ci s'appliquent aussi à ce domaine dont les règles de base sont différentes. Ceci permet à la finance de revêtir des habits de science, sans en avoir la justesse.

Mais que faisaient les régulateurs face à ça? Bah malheureusement ils confortaient tout le monde dans cette vision. Eux aussi économistes, ils se laissaient dépasser par les événements, ne cherchant pas à comprendre le fonctionnement immanent des titres, ils préféraient eux aussi se concentrer sur les analyses superficielles, les tendances et résultats obtenus. La seule chose que les agences de notation contrôlaient était le fait que tout le monde utilisait le même modèle. Lorsque tout le monde fait la même erreur, alors elle ne fausse pas la concurrence, l'erreur est alors acceptée et même plébiscitée par le système. Trop de personnes ne savent plus ce qu'elles font, la valeur des choses, et ne s'y intéressent plus, mais s'intéressent seulement aux effets, aux premiers effets, à court terme, superficiels.

Et donc, on s'est retrouvé avec quoi? Des titres super rentables (indexés sur les taux d'emprunt des ménages à risque) jugés par tous comme ayant un risque très faible. Un risque plus élevé aurait pu sauver la mise en diluant les effets de la catastrophe annoncée, mais le risque faible a attiré les gros investisseurs, les fonds d'investissement et les banques. Ça aurait presque pu être drôle et ironique de voir les banques prises à leur propre piège (elles créent des titres basés sur des engagements à risque qu'elles ont prises, et se précipitent sur ces mêmes titres oubliant le risque qu'il y a derrière !) si tout ceci n'était pas aussi criminel, et si au final les états et les peuples n'avaient pas du se précipiter au chevet des banques pour les secourir.

Bref, les sciences économiques m'ont toujours fait rire à se baser sur des principes irréalistes tels que la concurrence parfaite et la rationalité des acheteurs, et là on aperçoit une autre facette, toute aussi simpliste, fausse, et malheureusement dangereuse...

PS : ceci ne représente que ma compréhension de P. Jaurion, je ne peux que vous inviter à le lire pour vraiment comprendre ses idées...

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