dimanche 7 décembre 2014

La raison économique

Petite explication de texte (et critique) de la raison dans les principes économiques, toujours suite à la lecture de Paul Jorion.

Historiquement, la raison est définie par les philosophes de la Grèce antique comme la capacité à produire un raisonnement cohérent : produire de vrai à partir du vrai (ou produire du faux à partir du faux d'ailleurs, mais de manière cohérente, justifiée).
La raison, ou plutôt la rationalité économique se définit différemment : c'est la capacité individuel à optimiser ses ressources, leur production et leur dépense selon une priorité et une utilité subjective. Y'a t'il un lien avec la raison historique? Pas sûr, voire pas du tout. Oui, résoudre un problème d'optimisation fait appel à la raison, au raisonnement, mais définir la raison par un exemple de raisonnement est une erreur : l'exemple ne définit pas la notion, il la réduit autant qu'il l'illustre. Surtout quand l'exemple est potentiellement faux : le raisonnement peut être juste et les prémices fausses, et ici se cache l'hypothèse que l'homme agit selon une utilité subjective : terme incontrôlable, indéfinissable.
La raison économique a semble t'il été défini différemment : pas en partant d'une notion ou d'une réflexion, ou d'une construction intellectuelle. La raison économique a plutôt été défini comme le comportement humain attendu pour permettre au système capitaliste de s'épanouir. Le système capitaliste est vu comme idéal, il est théorisé pour s'appliquer dans certaines conditions (concurrence parfaite et rationalité des agents), la raison des agents économiques n'est pas un postulat de base issu d'observations de la réalité, c'est une variable d'ajustement du modèle. Cette astuce permet de donner des apparences de science à l'économie et à la justifier par la même occasion. On peut même en venir à critiquer le manque de rationalité de certains, qui viennent perturber l'économie (solidarité, dons...)

Une des questions posées par la lecture de Jorion (pour lui ce n'est plus une question, il a la réponse) est de savoir dans quelle mesure les économistes sont conscients de ceci. Ce qui se résume à une question entre l'incompétence et la manipulation. Les incompétents qui ne voient pas le mécanisme de la définition de la raison économique, et les manipulateurs qui le voient mais restent convaincus que cette approche est la bonne et font des sciences économiques (et surtout du capitalisme) une sorte de religion mystique. Pour eux, il y a un ordre naturel et parfait vers lequel tendre : le capitalisme, mais l'homme moyen peut ne pas se rendre compte qu'on veut son bonheur à travers cette démarche, donc il faut lui cacher (en lui donnant une apparence de science plutôt qu'une apparence de religion). En poursuivant l'analogie, on arrive à en rire : celui qui empêche l'homme de se réaliser dans le bonheur est Satan, l'adversaire, qui corrompt l'oeuvre de Dieu et le détourne de son destin naturel, celui qui empêche le capitalisme de bien fonctionner, c'est l'état, avec ses interventions dans l'économie.

On retrouve en tout cas une erreur de raisonnement courante, qui consiste à essayer de s'approprier des approches scientifiques sans en conserver la rigueur. On arrive à des modélisations imparfaites qui ne s'appliquent pas, et on se persuadent que ces modèles valent réalité, de part leur approche scientifique, seule approche du Vraie à notre époque.

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