lundi 29 août 2016

La grenouille et l'eau bouillante

Tout le monde a déjà entendu cette histoire plus d'une fois :
Prenez une grenouille, jetez là dans l'eau bouillante : elle aura un réflexe de survie pour bondir immédiatement hors de l'eau et survivre.
Prenez la même grenouille, plongez là dans de l'eau froide, et augmentez tout doucement la température : elle perdra toute conscience du danger et terminera cuite.

Bon, la fable, bien que paraissant crédible, ne semble pas l'être au final (merci wikipedia), mais l'histoire reste intéressante en tant qu'illustration, même si on ne retient souvent que le premier degré, sans chercher toutes les applications possibles...

La théorie est simple : un être vivant est capable de s'habituer à tout, tant que c'est fait de manière très progressive. Par contre, face à un changement brutal, sa réaction sera brutale.
Le côté progressif du changement est bien entendu totalement subjectif : on mesure davantage la perception de la personne plutôt qu'une quantification absolue. La disparition d'une espèce d'animal exotique sera jugée moins importante, et donc plus progressive, que la disparition de son animal de compagnie.

Cette théorie est appelée en renfort de toute théorie nous menant dans le mur de façon aussi imperceptible qu'inévitable (attention, je ne dis pas que ces théories sont fausses... je mets juste à jour la mécanique du raisonnement) : réchauffement climatique et plus globalement tout ce qui concerne la pollution et la biodiversité, appauvrissement des sociétés et augmentation des inégalités et de la corruption, déshumanisation et abrutissement de la société.

Ce phénomène n'est pas seulement utile pour décrire les lentes dérives, mais aussi toute lutte lente, à long terme... où les protagonistes semblent jouer une partie d'échec sur plusieurs années. La lutte des classes procède de ce fonctionnement, où chacun avance pas à pas, où la négociation n'est pas uniquement là pour obtenir une avancée, mais aussi pour participer à la construction d'un contexte, d'une impression générale, capable d'influencer les prochains débats. Toute lutte d'influence fonctionne de cette manière : si elle est trop apparente, l'action est inefficace et rencontre une forte opposition.

Au final, tout organe de pouvoir a intérêt de s'approprier cette méthode : plus efficace, à long terme, que l'usage de la force, qui finit toujours par se retourner contre celui qui en fait usage.

Il ne faut pas non plus s'arrêter aux phénomènes de masse, le mécanisme s'applique aussi aux individus. Tout manipulateur sait ça, et toute personne le sait inconsciemment (et le pratique instinctivement) : on demandera toujours à ses amis des services de plus en plus grands, on tirera toujours de plus en plus sur la corde avec ses proches (et ça commence dès le plus jeune âge!), on changera doucement les habitudes au sein de son couple... L'accumulation de petits riens permet d'obtenir beaucoup !

Que peut on retenir de tout ça?
Qu'il faut se méfier des intentions des autres... sans sombrer dans la paranoïa bien entendu, mais il faut garder à l'esprit que chaque changement accepté a plus de valeur que sa simple acceptation : il déplace la norme. Il faut être vigilant.
Pour contrer ça, différentes réactions sont possibles :
- l'opposition ferme : sauf qu'on vous prendra pour un fou, de vous opposer aussi fermement, avec autant de véhémence à un si petit changement. La réaction risque d'être jugée disproportionnée et vous discréditera totalement.
- une variante : l'opposition basée sur les effets à long terme, en envisageant les conséquences à long terme du petit rien débattu. Sauf qu'on vous accusera d'être pessimiste, d'être exagérément pessimiste.
- la mémoire : être capable de rappeler tous les petits pas passés pour dénoncer le dernier. Mais quelque part, il sera déjà trop tard, trop de petits pas risquent d'avoir été fait avant de pouvoir les dénoncer de manière intelligible
- dénoncer la manipulation (ma réaction préférée... même si elle est aussi limitée dans ses effets) : on ne dénonce plus le petit changement, mais le changement de norme induit, le changement de paradigme. Mais là encore, on vous dira que vous voyez le mal partout, que vous êtes paranoïaque ou que vous faites des procès d'intention (ce qui est peut être vrai). Mais ça reste ma méthode préférée, car je suis persuadé que la meilleure façon d’annihiler les effets d'une manipulation est de la montrer au grand jour. A défaut de l'annihiler, ça devrait au moins en réduire la portée...

Au final, lorsque la modification est subtile, elle est quasi-imparable.
Le meilleur remède est peut être de pratiquer la même manipulation, pour rétablir ou maintenir l'équilibre souhaitée... Facile à dire, mais moins facile à faire : toutes les situations ne le permettent pas aussi facilement, et toutes les intelligences ne se valent pas...

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