samedi 16 février 2013

Génération instantanée

Petit regard jeté de mon grand âge sur la nouvelle génération, parfois appelé génération Y,
je préfère l'appeler génération [de l']instantanée.

Il s'agit juste de l'évolution de la société : nous ne récoltons que ce que nous semons, seulement voilà, nous ne maîtrisons jamais ce que nous semons, d'où quelques surprises, quelques dérives.

Les comportements évoluent selon les besoins et selon les possibles, les offres (l'offre crée le besoin après tout), et depuis quelques années, les nouvelles technologies ont grandement modifié notre rapport au temps : on veut du direct, on veut être au coeur de l’évènement  Les technologies le permettent alors pourquoi ne pas l'exiger? On ne veut plus d'informations périmées.
Ceci déteint à tous les niveaux : on veut l'information en temps réel, avec les chaînes d'infos spécialisés qui passent l'info en continue, où un direct -même pour ne rien dire- sera plus important qu'une analyse. On veut être en contact permanent avec nos amis : que ce soit sur les réseaux sociaux ou par téléphone portable interposés. On veut suivre les stars en direct grâce à twitter. Les mondes financiers et politiques n'avaient malheureusement pas attendu de progrès technologiques pour préférer le court terme au long terme : question d'affichage, de rendement, il est plus simple de surfer sur une mode, sur une émotion -éphémère-, de faire un profit immédiat plutôt que de calculer, d'investir, de s'invertir à long terme... L'instantané peut être vu comme un prolongement du jetable. A l'échelle de l'individu on peut percevoir le même type de comportement : moins d'investissement, moins d'attachement à l'entreprise : les jeunes se transforment de plus en plus en mercenaires : exigeants et peu impliqués au final (heureusement pas tous : pour l'instant il ne s'agit que de l'émergence d'une tendance...)

Tout ceci aurait pu être bien, aurait pu simplement nous aider à nous ancrer dans le présent, à mieux profiter de chaque instant, mais en fait c'est le contraire qui se produit, car ce présent là est immatériel, virtuel... et il nous coupe du réel. On se disperse, on s'éparpille : on veut être présent partout à la fois, et on finit par ne l'être plus nulle part.
Il n'y a qu'à voir au nouvel an (heureusement il y a de l'espoir, et ce comportement diminue) : les gens se précipitaient sur leur portable pour souhaiter la bonne année à tous les absents plutôt que de profiter des présents. Autre exemple : qui réussit à couper son portable devant un film chez soi? Qui résiste à la tentation d'aller vérifier ses mails, ses messages...etc... pendant un film? Le film a intérêt à être passionnant de bout en bout...
Conséquence directe : ceci fait de nous des impatients. On est accro au direct, à ce fonctionnement. La moindre interruption devient insupportable (d'où la multiplication des cures de désintoxication des portables, d'internet...bientôt des chaînes d'infos?). L'attente est de plus en plus mal vécue, on risque de redevenir capricieux comme des enfants..
Autres effets pervers : on ne se donne plus le temps du recul, ce qui est catastrophique pour les infos, cette valeur a grandement été décotée au profit du direct, on supporte de moins en moins l'ennui. Ou plutôt on le fait disparaître, en remplissant le moindre temps mort par une activité : portable, jeux... On a besoin d'être hyperactif. Je reste persuadé que ces temps morts sont aussi utiles que le sommeil ou les rêves : ces temps morts permettaient la prise de recul, la réflexion. L'ennui permet aussi de mieux savourer les périodes actives. L'hyperactivité nous fatigue et lisse au final notre existence.
Ce comportement rend aussi plus exigeant, et amplifie la mode du jetable : une chose qui ne nous satisfait pas immédiatement sera jetée, pas de seconde chance, à quoi bon? Si elle n'est pas jetée, on s'en détournera (cf le recours au portable devant un film ou lorsqu'on s'ennuie...)
L'absence de recul, et de réflexion, risque de faire de nous des psychopathes : sans remords ni regrets, sans remises en cause, sans empathie. Un monde instantané n'a que faire du passé et des remords.
Paradoxalement, cette ouverture au monde, par son côté instantané crée un mouvement de repli sur soi : le direct n'est intéressant que comme la confluence des informations vers nous mêmes : nous devenons le centre des informations, le centre du monde. Au final ceci crée un monde centré sur nous, notre nombril (facebook, blogs, comme celui-ci d'ailleurs ;) ), faussement ouvert sur les autres : soit pour percevoir leur regard sur nous, soit pour se comparer, soit pour redistribuer l'information à partir de soi.

Difficile de trouver une conclusion positive à cet article : mais l'espoir réside dans la capacité d'adaptation de l'homme, il faut juste savoir s'approprier les nouvelles technologies et trouver puis adopter un comportement sain... Chaque nouveauté a toujours créé un mouvement réactionnaire, mon regard n'est peut être que réactionnaire, et injustifié après tout...

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