jeudi 21 juillet 2016

Plasticité émotionnelle et entrainement

Nous apprenons sans cesse, que ce soit un phénomène conscient ou non, désiré ou malgré nous. Que nous le voulions ou non, nous sommes constamment ouvert, nous sommes constamment sous influence... et cette influence entraîne des changements plus ou moins profonds en nous. C'est la plasticité : l'apprentissage ou l'expérience modifient notre être.

Les exemples les plus évidents sont la plasticité physique et intellectuelle.
S'entraîner à un exercice pour être plus performant, c'est utiliser ce concept de plasticité. A force de s'entraîner, notre corps va s'adapter petit à petit.
L'école n'est qu'une usine qui s'appuie aussi sur ce phénomène : on entraîne ses neurones, ses capacités intellectuelles, sa mémoire, sa capacité à raisonner de manière abstraite... et on mise sur le fait que tous ces exercices vont doucement nous modifier : que la modification soit physique (via les neurones) ou purement intellectuelle, et intangible...

Mais pourquoi se limiter à ces deux domaines?

Le phénomène est indiscutable sur le corps et l'intellect, mais rarement mis à profit ailleurs... pourquoi?

D'abord, on peut constater que cette plasticité existe sur certains comportements et sur certaines émotions : on parle sans doute plus d'accoutumance dans ces cas là, ou de cercle vicieux, mais la logique est la même.
On peut en effet s'habituer à la peur :  plus on vivra dans la peur, plus on sera craintif... Notre esprit s'habitue à vivre dans la peur, et ça devient un réflexe pour lui. Même chose pour la timidité, les phobies en général... Quelque part, la pratique renforce notre émotion initiale, lui permet de croître et de sortir de son périmètre initial, de toucher notre personnalité...
Même chose pour certains comportements : celui qui prend l'habitude de mentir le fera de plus en plus facilement, celui qui se met facilement en colère et fait preuve de violence facilement transformera ces comportements en habitude, puis en trait de caractère. L'habitude fera qu'il adoptera naturellement ces réponses comportementales face à un stress extérieur. Petit à petit, notre personnalité sera touchée, notre sens moral aussi sera émoussé, modifié...
Toutes les addictions sont autant d'illustrations de ce phénomène : nos comportements sont alors dictés par nos addictions : nous fumons, nous buvons, nous mangeons non plus par envie, mais par réflexe. Lorsque le réflexe est en place, c'est que quelque chose a suffisamment été modifiée en nous pour supplanter notre volonté consciente.
D'une certaine manière la dépression doit aussi rentrer dans cette catégorie : nous nous habituons à voir la vie en noir, à une certaine léthargie... et petit à petit notre perception du monde change et nous ne sommes plus capable que de broyer du noir, et notre énergie s'amenuise...

On pourra toujours bien entendu lutter contre ces tendances qui s'installeront chez nous, mais voilà, il s'agit bien de ça : lutter contre un naturel qui s'installe, qui s'est déjà installé.

On voit, comme bien souvent, que les exemples naturels nous poussent souvent vers le négatif (et on dit que la nature est bien faite !). Mais les exemples inverses sont tout aussi vrais ! Heureusement !
Ils sont d'ailleurs de plus en plus utilisés pour soigner nos problèmes : c'est tout ce qu'on retrouve derrière les théories comportementales, pour venir à bout d'une addiction, pour soigner la boulimie, pour soigner des névroses... Rien de mieux que des petits exercices répétés pour nous changer en profondeur : même si au début cela nous semble totalement artificiel, il faut faire confiance à cette plasticité qui transforme les actions répétées en habitudes, les habitudes en comportements, puis les comportements en traits de caractère liés à notre personnalité.

Pourquoi ne pratiquons nous pas ces exercices alors?
Qu'on ne me parle pas d'effet à long terme, et invisible à court terme, étant donné le temps qu'on est capable de passer pour les études ou les entraînements physiques ! Le problème vient d'ailleurs...
Peut ^^etre parce que les effets sont sans doute moins visibles, moins mesurables que pour les entraînements physiques ou intellectuelles. Commencez à  courir 1km, apprenez un poème par cœur, vous mesurerez rapidement le progrès... On a plus de mal à mesurer des émotions ou des comportements : on a tendance à ignorer ce qui ne se mesure pas (ou mal).
Peut être parce que les exercices sont plus difficiles à mettre en pratique : il est facile de décider de faire de l'exercice, il est plus dur de décider de mettre à l'épreuve ses émotions. Cet exercice se rapprocherait sans doute de la méditation. Et là encore, on peut voir un bel exemple de cette plasticité : ceux qui méditent arrivent semble t'il à modifier leur perception du réel, à cultiver les qualités humaines de leur choix, à être plus zen, moins sujets aux émotions négatives (colère, envie...)
Autre raison probable : nos a priori. Nous avons tous des idées préconçues sur nos caractères et nos émotions, sur notre personnalité, notre nature. Nous avons tendance à penser notre nature comme immuable, comme divine, au-dessus de tout, et donc hors de notre portée... et ceci nous arrange bien. Nous idéalisons ces caractères comme nous idéalisons l'amour sans doute : nous choisissons d'être impuissants face à eux. Nous sommes fatalistes, nous glorifions le naturel.

Je ne pense pas que le bonheur se décide, pas d'un coup en tout cas. Par contre, par une ascèse, par une discipline de chaque instant. Par des petits efforts ou des petits exercices, on peut sans doute à la fois s'améliorer : développer et renforcer des traits que l'on souhaite (la joie, l'émerveillement, l'altruisme, la bienveillance, la gratitude, la patience...) et améliorer sa perception de la vie, sa perception de son niveau de bonheur.
Il reste à trouver ces exercices : des formes de méditation peut être? d'exercice de conscience? d'ancrage de moments positifs? de répétition?
Et surtout à trouver l'énergie et la volonté de répéter ces exercices, de commencer à les inscrire dans ses habitudes... un peu comme l'écriture de ces articles pour moi. On a tous intérêt à trouver une forme d'exercice qui nous apporte suffisamment de plaisir pour nous permettre de trouver l'énergie de les répéter...

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