mercredi 16 décembre 2015

Aimer c'est donner raison à l'être aimé qui a tort

Citation de Charles Peguy aujourd'hui.

Elle m'a fait sourire, car soit elle m'a fait comprendre que je n'ai jamais aimé personne, soit que j'aime davantage la vérité.
On pourrait y voir une forme d'arrogance et de supériorité, car on pourrait croire que cet amour de la vérité n'est qu'une volonté intransigeante d'avoir toujours raison, au détriment de l'autre. C'est une lecture du comportement qui est possible.


Mais la citation parle bien de donner raison à l'autre, alors que nous sommes persuadés du contraire. A minima, que nous sommes persuadés qu'il n'y a pas de certitude sur son opinion.
Et la différence est importante entre vouloir avoir toujours raison, et ne pas vouloir donner raison à l'autre à tort. On peut être aussi méfiant envers les raisonnements des autres qu'envers les siens : il s'agit d'une simple honnêteté, d'une exigence de vérité, ou en tout cas de résister aux assaults de la raison et de la cohérence.

Donner raison à l'autre alors qu'il a tort est peut être l'effet de l'amour. Il nous pousse à abandonner certains de nos principes sans même nous en rendre compte. Mais je pense qu'il s'agit plutôt des prémices de l'amour : de la phase de séduction. C'est pendant cette phase qu'on est le plus prêt à mentir, à rendre la vérité plus belle qu'elle n'est, et à idéaliser l'autre. Une fois l'amour en place, la transparence et l'honnêteté redeviennent des principes primordiaux.

3 commentaires:

  1. Bonjour,
    je trouve intéressant le concept de ton blog (je me permets de te tutoyer) et ta réflexion sur cette citation me fait réagir. Je crois que quand on aime quelqu'un, la question de qui a tort ou qui a raison ne se pose pas. On peut penser différemment de l'être aimé et accepter cette différence. Et ce n'est pas parce qu'on est d'accord que l'autre pense ce qu'il pense qu'on pense forcément comme lui. Il y a deux individus différents avec des histoires, des expériences, des personnalités différentes et deux avis différents. Si je dis que j'ai raison et que l'autre a tort, je n'accueille pas sa façon de voir. Or je peux accueillir son avis tout en maintenant le mien même s'ils semblent contradictoires. Ainsi il n'y a pas à mentir, simplement reconnaître nos différences et les accueillir, alors l'amour est possible. Sinon, qu'est-ce qu'on aime chez l'autre ? Que les parties avec lesquelles je suis d'accord ? Est-ce de l'amour si je n'aime pas la personne dans sa totalité ?
    La citation de Charles Péguy n'est à mon sens acceptable que si on dépasse notre jugement "l'autre a tort", sinon quel sens cela a-t-il ? Comme tu dis, ça peut être du mensonge et je me demande quel amour se construit sur des mensonges...
    J'espère que tu comprends ce que je veux dire et je serai curieuse de savoir ce que tu en penses.
    Olaf

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    1. Youpi ! Un lecteur ! Et en plus un qui laisse un commentaire ! Ça permet de combler ce qui manque à ce blog : la contradiction, pour alimenter le débat. Bref, merci pour le commentaire :)

      Pour faire bref : oui tu as raison (ou plutôt je pense comme toi)
      - l'amour ne peut (ne doit?) pas être bâti sur des mensonges
      - l'amour doit (se veut?) être englobant et tolérant. Il faut accepter et aimer l'autre tel qu'il est.
      Du coup, la citation de Péguy est "difficilement" acceptable.

      Maintenant, je développe, en essayant de ne pas faire un développement plus long que l'article initial :) -pas gagné-

      Les mensonges : il y en a tout le temps (je ne suis pas/plus naïf), à chacun de jongler avec en son âme et conscience, le tout étant d'avoir les mêmes curseurs que son partenaire (il y a forcément quelques omissions de temps en temps, et des petits mensonges "inoffensifs" qui permettent de vivre en société... même si ce point de vue est discutable et mériterait un article -que j'ai peut être déjà écrit d'ailleurs). Mais la présence de mensonges ne veut pas dire bâtir un amour sur ceux-ci. Si celui/celle qu'on aime n'est qu'un mirage fabriqué de toute pièce, ça ne peut pas tenir... et surtout on n'aime pas la personne, mais un mirage, un mensonge.
      L'amour doit être tolérant, et je te rejoins totalement lorsque tu dis qu'il faut accepter (ou constater) les différences, y compris lorsqu'il ne s'agit pas simplement de différences de comportements, de ressentis, de sensibilité, mais aussi lorsqu'il s'agit de différences de raisonnements ou d'opinions : ce qui suppose qu'un des deux (au moins) a tort objectivement. Imposer son point de vue, vouloir écraser l'autre pour avoir raison est une erreur, sans doute liée à un ego surdimensionné ou à un complexe, ou simplement à un manque de maturité. Et l'inverse est tout aussi vrai : donner raison à l'autre sans affirmer son point de vue, c'est s'effacer et disparaître petit à petit... Même si ce point est à relativiser, car je ne fais que décrire un amour "sage", équilibré et harmonieux. Qui a dit que l'amour était forcément comme ça? Des couples peuvent bien trouver une harmonie dans un déséquilibre qui refléterait leur personnalité, leurs différences et leurs complémentarités (après tout, ne viens je pas de dire qu'il fallait accepter les différences? :) ) Mais bon, mon point de vue, mon idéal est un amour équilibré dans lequel l'échange (et donc le débat, voire les "disputes") est présent.

      Du coup, "donner raison à l'autre qui a tort" est difficilement conciliable avec aimer. Et ce qui m'intéresse alors, c'est de comprendre pourquoi Péguy dit ça, comment il en arrive à ça... Même si je ne suis pas d'accord avec lui (cf la première phrase de mon article :) )
      Et ma seule conclusion est de considérer que ceci est valable pendant la phase de séduction, tant que l'amour rime avec passion. Pendant cette période, l'amour rend aveugle : du coup on donne raison à l'autre sans en rendre compte. On "ment" sans s'en rendre réellement compte... on est juste dépassé par nos émotions, nos sentiments, on perd nos repères, et du coup on s'efface pour se fondre dans ce sentiment qui nous dépasse. Bref, on ne se rend pas compte que l'autre à tort, et on prend comme vérité tout ce qu'il dit : l'être aimé est littéralement parfait pendant cette période.

      (réponse tronquée par le système... la suite dans un instant :) )

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    2. Pour finir, même si je suis d'accord avec toi, j'ai deux points de divergence (à moins de ne pas t'avoir correctement comprise).
      Je pense qu'on peut accepter les différences de l'autre tout en considérant qu'il a tort, en tout cas en en étant intimement persuadé. Personnellement, ça m'est difficile, mais avec de l'entrainement (et quelques disputes), on y arrive :)
      Et de la même manière, je pense qu'on peut aimer l'autre tout en étant en désaccord avec des comportements, des raisonnements..etc... voire en les détestant. Ce n'est pas parce qu'on aime le tout qu'on doit aimer chacune des parties. Les sentiments sont beaucoup plus complexes.

      Au plaisir de te recroiser, comme simple lectrice anonyme et silencieuse, ou au hasard d'autres commentaires :)

      "pari" perdu : la réponse aura été nettement plus longue que l'article... désolé :)

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