mardi 18 août 2015

L'effet témoin (le syndrome du spectateur)

Encore une petite expérience de psychologie sociale comme je les aime.

Il semblerait que lorsque nous sommes témoin de la mise en danger d'autrui, notre comportement ne soit pas simplement dicté par notre conscience ou notre moral, mais en partie par le contexte. Plus il y a de témoins de la scène, moins il y a de chance que quelqu'un intervienne.
Et malheureusement, l'histoire dispose de quelques exemples : noyade, meurtre, viol... ou même simple chute, voire une simple incivilité.

Les scientifiques voient 3 raisons à ça.

La première, évidente, tient à la dilution de la responsabilité. On ne se sent pas spécialement responsable du malheur des autres, pas plus que les autres en tout cas. On pourra même se réfugier derrière des pensées hypocrites : une personne est plus proche de la victime, mieux placée, la connaît peut être.

La seconde tient au regard des autres : il est toujours délicat d'être le premier à bouger, à réagir. On a nécessairement peur d'être jugé et regardé de travers, même lorsqu'il s'agit de venir en aide à quelqu'un (maudite nature humaine). L'inaction des autres peut être perçue comme une condamnation implicite et sans appel de toute action. Agir revient à briser cette norme sociale qui s'est imposée toute seule. Et là encore, plus le nombre de témoins sera élevé, plus il sera dur de se dresser contre eux et l'inertie associée.

La troisième raison est proche de la précédente. La deuxième est associée à la peur du jugement des autres, la troisième est le besoin de se conformer aux autres. Les autres forment un modèle d'action.

Bien entendu, ces trois raisons sont liées entre elles, et toutes tournent autour d'une seule question, ou plutôt d'un seul comportement : on va d'abord s'observer mutuellement avant de prendre une décision. L'observation est la source de l'inertie. Pendant que nous observons les autres, nous n'agissons pas, les autres font de même, et nous interprétons cette inaction comme un modèle à suivre, s'en écarter risquerait de nous mettre à l'écart. Notre raison fabriquera ensuite des raisonnements (c'est son boulot) pour nous conforter dans ce choix : si les autres ne bougent pas, c'est qu'ils estiment qu'il n'est pas nécessaire de venir en aide à la victime.

Au final, tous ces stratagèmes réussissent à nous dés-impliquer de la situation, nous créons une certaine distance, nous nous protégeons d'elle.

Comme souvent, pour lutter contre un effet psychologique, il suffit d'en avoir conscience :) Mais d'autres facteurs rentrent aussi en ligne de compte : le danger, notre identification à la victime, notre implication réelle...

Typiquement, sur un exemple bête : lorsqu'une personne refuse de faire la queue et double tout le monde, la majorité des personnes va rester silencieuse. Et c'est sans doute accentué par le nombre de personnes attendant.
Ceux qui n'agiront pas se diront peut être que d'autres vont réagir, au moment où la personne va vouloir s'insérer dans la file, ou bien ils se diront que la personne rejoint peut être un ami et que du coup il serait malvenu de lui faire une remarque, ou bien on aura peur de devenir le centre d'attention, de passer pour le réactionnaire intransigeant...
Et on voit clairement apparaître le facteur d'implication : si la personne essaye de passer juste devant nous, alors notre implication augmentera et on se sentira davantage légitime pour faire une remarque. Ceci re-concentre en quelque sorte les responsabilité sur nous.

Petite conclusion tirée d'un autre site : en cas de détresse, il n'est pas productif d'interpeller tout le monde, mieux vaut cibler une personne au hasard, la désigner. Ceci est aussi valable lors des présentations en public : on n'obtient pas facilement de réponses aux questions posées à l'assemblée, même aux questions évidentes...

L'homme est à la fois un mouton et un loup pour lui-même :)

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