mardi 14 juillet 2015

Les émotions primaires

Les émotions semblent en partie innées. Il n'y a qu'à voir les grimaces des bébés, ou plus généralement notre faculté innée à reconnaître une émotion chez l'autre.
Une fois ce constat fait, en bon occidental taxinomiste, on cherche immédiatement à les classer, à les ranger, et ceci fait, on croît voir apparaître des émotions fondamentales.
Celles-ci doivent être à la fois universelles et permettre de construire les autres : la superposition des émotions étant la source d'une complexité infinie.

Darwin a été le premier a essayer de les faire ressortir, il en a identifié six : la joie, la surprise, la tristesse, la peur, le dégoût et la colère. Son classement est sans doute très pragmatique, issu de l'observation. Et ces suivants en ont ajouté : le mépris, l'excitation, la honte...

Spinoza a eu une approche entièrement théorique. Plutôt que d'essayer de repérer les émotions existantes et de les classer, il a essayé de partir de sentiments primaires et d'en déduire les autres. La finalité était plus claire : reconstruire l'ensemble des émotions humaines à partir des émotions primaires, exactement comme on le fait avec les couleurs.


Avant de s'attacher aux émotions, il faut poser les bases. Les bases sont simples : une conscience et la vie. La vie entraînant de fait (sauf accident de la nature) un appétit : celui de prolonger sa vie, qu'on peut appeler instinct de survie, ou pulsion de vie. La conscience de cet appétit forme le désir.
Ensuite, son système se base sur simplement 2 composantes : la joie et la tristesse, la joie étant le passage d'une moindre à une plus grande perfection et la tristesse exactement l'inverse. La perfection pouvant être vue comme notre puissance d'agir.
Et partant de là, avec des formules plus ou moins alambiquées, il tente de reconstruire la palette de nos sentiments. Il oppose amour et haine en les définissant comme respectivement la joie (ou la tristesse) accompagnée de l'idée d'une cause extérieure, définition très poétique pour peu qu'on arrive à la saisir.
Puis y passe une bonne partie de la palette, permettant entre autre d'unir chaque sentiment à son contraire :
- espoir et crainte qui ne sont que joie et tristesse inconstante d'une hypothèse future;
- faveur et indignation qui sont l'amour et la haine envers quelqu'un qui a fait du bien ou du mal à un autre (que l'on juge semblable à soi);
- envie et miséricorde : l'envie étant une forme de haine qui nous attriste du bonheur d'autrui et nous réjouisse de son malheur;
- gloire et honte : la gloire étant la joie qu'accompagne l'idée d'une de nos actions que nous imaginons louée (aimée) par les autres;
- bienveillance et colère : la colère étant le désir de faire du mal à celui que nous haïssons.
...
Bon, on voit que l'exercice conduit Spinoza à redéfinir certaines notions, mais après tout pourquoi pas. Nos définitions étant souvent empiriques, elles ne sont qu'approximations et entretiennent une certaine confusion.

Mais bon, le plus intéressant est sans doute la démarche de reconstruction de la complexité à partir d'éléments de base, même si ces éléments de base deviennent difficiles à cerner et à définir en termes simples et concrets. Le concret étant complexe et étant la seule chose à laquelle nous ayons véritablement accès.
Cette construction suppose des oppositions, soit à dimension unique : l'ombre et la lumière, la joie et la tristesse, soit à dimensions multiples : difficile de dire que le jaune est l'opposé du bleu.
Avec deux pôles, facile de définir un contraire, avec 3 c'est plus compliqué. Les deux systèmes offrent cependant une infinité de nuances.
La première difficulté est donc d'identifier combien de pôles régissent nos sentiments et nos émotions : seulement deux, avec la joie et la tristesse, ou bien faut il en ajouter d'autres ? On arrive relativement facilement à éliminer la peur et la colère de Darwin, restent le dégoût et la surprise. Que Spinoza classerait peut être davantage parmi les affections du corps, dont la conscience s'empare ensuite...

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