dimanche 26 juillet 2015

La dynamique du réconfort... et ses dérives

Petit décorticage des rapports humains, aujourd'hui, je me penche sur les rapports qui s'installent autour de la tristesse, pour peu qu'on l'exprime.

Face à quelqu'un d'affligé, on a tous envie d'agir, de le réconforter : la nature est bien faite.
Et la nature est même encore mieux faite que ça : devant cet élan de bienveillance, l'affligé se sentira écouté, épaulé et se sentira mieux. Et l'aidant aussi en retire un bénéfice immédiat : il se sentira utile, valorisé, son estime de lui même en sera grandie. Bref, ces premiers échanges créent une complicité rapidement et sont sources de bienfaits pour tout le monde.

Oui mais voilà...

Si la situation s'installe, l'aidant va s'épuiser, il sentira que l'affligé lui prend trop de temps. Mais en même temps il culpabilisera de ce sentiment, il se sentira égoïste d'avoir ces pensées. Un conflit interne apparaît, entre deux valeurs.
L'aidant continuera sans doute à apporter son soutien, mais il ne fera plus par pur instinct. L'élan ne sera plus le même, il le fera en ayant conscience de son conflit interne, il le fera par obligation vis à vis de ses valeurs morales. Ces mêmes valeurs le pousseront à dissimuler son conflit interne. Son ressentiment s'exprimera dans sa posture, son ton de voix... Sa présence ne sera plus la même.
Et bien entendu, ceci n'est pas transparent pour la personne affligée. Elle se rendra compte d'un changement, se dira que ce n'est plus tout à fait comme au début. La sensation du réconfort initial est atténuée. Et là naîtra un second conflit interne : l'affligé se rend compte qu'il éprouve son entourage, mais en même temps, s'il veut être honnête, il doit exprimer ce qu'il ressent, et en plus, il a besoin de cette aide car ne sent pas capable d'affronter la situation seul...

Et voilà, on est parti d'une situation idyllique, et on arrive à une situation malsaine, génératrice de ressentiment, des deux côtés.

L'aidant sera de plus en plus tendu, il deviendra directif, remettra en cause la bonne volonté et les efforts de l'autre, sera de plus en plus précis dans les conseils et ira jusqu'à exiger des preuves de leur application, voire des résultat. On n'est plus du tout dans la compassion, dans l'écoute, même si on peut percevoir le bon fond de la personne qui essaye de pousser l'autre à agir / réagir.
Et la personne affligée ne se sentira plus du tout écoutée, elle se sentira même incomprise à cause des conseils qu'elle jugera totalement inappropriés, voire même humiliée d'être rabaissée ainsi et traitée comme un enfant. Et si elle le fait savoir à l'aidant, la traitant d'insensible à sa douleur, alors ça ne fera que renforcer le cercle vicieux, et chacun s'enfoncera un peu plus dans sa posture.

Et il est très dur de sortir de cette dynamique.
La relation peut s'arrêter là (ou simplement se mettre en pause dans le meilleur des cas), chacun étant au final déçu par l'autre, incompris et ayant perdu ses illusions.
Pire, chacun peut encore aller plus loin dans son comportement. Une espèce de compétition négative se mettra en place, chacun essayant de faire valoir son point de vue, et ainsi d'écraser l'autre. A ce stade, les fondements de base de la relation initiales seront totalement oubliés. Cette compétition ne fera qu'alimenter l'hostilité mutuelle. Le but de chacun devient en quelque sorte de contrôler le comportement de l'autre, de le manipuler pour qu'il reprenne le rôle attendu : ceci poussera à jouer son propre rôle à l'extrême, quitte à se détacher un peu du ressenti réel.
La caricature poussera l'aidant vers des ultimatums, alors que l'affligé sera de plus en plus pesant, fragile, voire agressif.

Conclusions :
Il faut savoir fixer des limites, et surtout reconnaître quand on les dépasse (ou quand les autres les dépassent). Certains indices ne trompent pas, il faut les surveiller et être capable d'agir en conséquence. L'idéal étant que les deux protagonistes détectent la dérive au même moment pour agir de concert, pour réaliser que malgré la bonne volonté cette aide ne porte pas ces fruits et qu'il faut donc en chercher ailleurs, soit pour compléter l'aide offerte soit pour la remplacer. Ceci aura forcément un prix, quelques illusions auront été perdues en chemin : celle de pouvoir compter sur l'autre et celle d'être quelqu'un sur qui on peut compter. Il s'agit simplement de mieux se connaître, et de mieux connaître ses limites au final... Soit on en voudra à l'autre de nous avoir fait perdre nos illusions : sur nous, sur lui, sur les relations humaines ; soit on arrivera à bien faire la part des choses (sans aller jusqu'à le remercier de nous avoir ouvert les yeux sur nos limites...)

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