Ce soir, je me plonge dans l'explication de cette maxime, pour mieux la comprendre et voir ce qui'il se cache derrière.
La première explication, qui vient à tous, est de dire que dans le doute, mieux vaut faire ce qui semble risquer, quitte à se planter, plutôt que de ne rien faire. Ça serait une nouvelle éloge de la prise de risque, même inconsidérée.
Comme toujours, commençons par les définitions ! Car remords et regrets sont voisins, les deux sont l'expression d'une tristesse par rapport à un acte passé.
Certains associent au remords l'idée d'un acte, tenté mais raté, alors que le regret serait l'absence de l'acte, mais cette idée, dérivée de la maxime précédente sans doute (l'action s'opposant à l'inaction), est fausse.
En fait, le remords est un problème de conscience, il est le produit de la conscience. Sans conscience, pas de remords. Alors que le regret est froid, il est juste le constat du changement, de la perte d'une situation révolue, jugée meilleure.
Le remords suppose donc un choix un une implication, pour ne pas dire une culpabilité. Et cette implication est non seulement passée (et est en ce sens similaire au regret : on peut regretter son choix) mais aussi présente, voire future : cette implication passée peut être réparée, et c'est là notamment qu'agissent les remords, ils nous poussent à réparer quelques chose, même si cette réparation n'est parfois qu'une quête d'un pardon.
Alors que le regret est en effet plus passif, dans la mesure où il dresse simplement un constat, il est résigné face à la situation présente, et sait que le passé est révolu, qu'il ne reviendra plus. A la limite, on peut se sentir coupable d'un geste passé, et le regretter, si l'on considère que la situation n'est plus réparable maintenant.
A se demander si la conscience n'est pas seulement présente : peut on se sentir coupable d'un acté passé, ou ne sommes nous coupable que d'une situation présente? Vu sous cet angle, la culpabilité n'est que présente, même si elle peut être la conséquence d'un acte passé : à condition que la situation présente nous fasse sentir coupable. De tout façon, les sentiments et les pensées ne peuvent qu'être présentes, on ne ressent pas au passé ou au futur, au mieux on imagine ou se souvient. Si on se sent coupable, ce n'est pas pour l'acte passé, mais pour ses conséquences présentes. Conséquences présentes qu'on essayera alors de gommer. Et si ces conséquences s'estompent, voire simplement si on cesse de vouloir les gommer ou les corriger, alors la culpabilité, notre implication, notre prise de conscience s'estompera. La culpabilité est intimement lié au fait de vouloir réparer quelque chose : si on ne croit plus qu'on puisse changer les choses, alors il n'y a plus de culpabilité. Ce n'est pas juste un lien de cause à effet, c'est un lien profond et intime. Celui qui se sent impuissant ne se sent jamais coupable, et c'est d'ailleurs une bonne méthode pour chasser la culpabilité : se dénigrer jusqu'à se voir comme impuissant, donc irresponsable, donc non coupable et éternellement innocent. Et c'est aussi ce lien qui permet aux déterministes extrême de supprimer la notion de culpabilité.
Bref, revenons à nos moutons avec une illustration simple. Examinons nos attitudes face à un choix cornélien, disons le choix du dessert :) Le serveur prend notre commande, et nous sommes pris de remords : n'aurions nous pas du choisir l'autre dessert, suivre notre première idée plutôt que d'écouter les conseils des autres, ou l'inverse?
Nous ne regrettons pas encore notre choix, car nous avons la possibilité de le changer, il suffit de rappeler le serveur. Le remords créera un trouble, un état confus et indécis : la situation serait plus claire, il n'y aurait pas de remords. C'est le cas de conscience. On aurait peut être pu faire mieux, on peut encore agir, mais que faire, sans être sûr de soi?
Par contre, une fois le dessert face à nous, plus question de remords, mais bien de regrets : nous ne pouvons que nous résigner face à la réalité, et regretter notre choix. Mais là, plus de cas de conscience, ou de confusion, juste de la tristesse, et la certitude que la situation aurait été meilleure différemment, mais qu'il est trop tard pour faire quoi que ce soit.
Mais en fait, jusqu'à un certain point, remords et regrets ne se différencient que par notre attitude : dès la commande passée, celui qui se sentira engagé par celle-ci éprouvera des regrets : il n'envisagera pas un seul instant de rappeler le serveur pour lui demander s'il peut changer d'avis, et de commande. Et inversement, celui qui se sent totalement dégagé de toute responsabilité aura des remords même après avoir goutté son dessert, et rappellera le serveur si celui-là n'est pas à son gout, et lui expliquera son cas de conscience, pour négocier un changement de dessert !!
Ce qui distinguent remords et regrets, c'est donc à la fois l'origine de la tristesse : la conscience ou la réalité froide et son constat, et notre attitude face à elle : le sentiment de pouvoir agir ou la résignation.
Alors les remords valent ils mieux que les regrets?
Ceci revient à préférer les tourments de la conscience plutôt que l'absence de tourments, car ils sont le signe de notre puissance, de notre puissance de décider, d'agir et d'influer sur le cours des événements, au moins ceux à venir.
Mais surtout les remords valent mieux dans la mesure ou il s'agit de refuser (ou au moins de repousser) la résignation. Le regret n'est pas synonyme d'inaction, mais il est lié à la perception de passivité et de futilité de nos actions, au sentiment d'impuissance.
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