dimanche 6 juillet 2014

Chantage ou mise en garde?

On croit toujours les mots simples, mais en creusant un tout petit peu, en les confrontant à différentes situations, parfois extrêmes, on se rend compte que les nuances et la complexité sont toujours juste derrière les premières apparences...
Bref, nouvelle petite interrogation entre 2 termes proches : chantage et mise en garde.

La mise en garde est plus simple je pense, commençons par elle. Simple avertissement d'un danger imminent, visant à créer autrui un état d'alerte, voir à lui indiquer les bonnes actions à faire (ou à ne pas faire).

Le chantage, historiquement, devait consister en la simple extorsion de fonds ou d'autres avantages en nature sous la menace de révélations (donc fallait il se sentir coupable de quelque chose) ou de diffamations. Notion intéressante : agir sur le sentiment de culpabilité de l'autre : la crainte de voir sa culpabilité dévoilée aux yeux de tous. Puis l'usage a fait évoluer la définition je pense. La menace a pu devenir pression psychologique, et l'objectif du chantage a pu devenir a peu près n'importe quoi, du moment que c'est pour assouvir la volonté du maître chanteur au détriment de celle de la cible, et la crainte liée à la culpabilité s'est transformée en crainte tout court. Il ne reste donc du chantage qu'une ressemblance à une manipulation, ou plutôt une influence, basée non pas sur la raison ni même sur la force brute, mais sur la crainte, la peur de la cible. Sa crainte de voir arriver un événement indésirable lui fera se plier à la volonté de l'autre. Et on arrive ainsi au chantage affectif, chantage à la rupture, au suicide...

Mais où se rejoignent chantage et mise en garde? Lorsqu'il s'agit de sauvegarder la santé ou le bien être de la cible, on parlera évidemment de mise en garde, lorsqu'au contraire il s'agit d'obtenir quelque chose de la cible contre sa volonté, au profit de celle de l'autre, on parlera davantage de chantage (belle lapalissade). Mais lorsqu'aucun bien être n'est en jeu, lorsqu'il s'agit simplement de deux volontés, de deux ego qui s'opposent? Le bien être de l'un est il préférable à celui de l'autre? Impossible à départager en fait. On peut peut être simplement les départager en faisant appel à d'autres notions : la liberté par exemple. Si mon bien être dépend de l'autre, l'atteinte de mon bien être prive de liberté l'autre si je le souhaite à tout prix : la tentation du chantage est là, pour conserver ce bien être, pour l'assurer, le garantir. Manipulation protectionniste on va dire. Inversement, si je sais que le bien être de l'autre dépend de moi, je suis en position de force, et pareillement, la tentation du chantage est là aussi : manipulation pour obtenir plus, pour accentuer une domination pré-existante.
Quelque part, les manipulation et les chantages commencent là où la discussion s'arrête. Lorsqu'il y a échange de point de vue, qu'on se met à la place de l'autre et qu'on accepte les rapports tels qu'ils sont (et ils ne sont pas nécessairement équilibrés, ce qui peut être dur à accepter, surtout si on a soif d'égalité) sans en abuser, voire sans en user tout court (ce n'est pas parce que je suis plus fort que je dois dominer, ce n'est pas parce que je connais les faiblesses de l'autre que je dois les viser), il n'y a que des mises en garde, honnêtes et sincères. La sincérité change tout et empêche à mon sens de parler de chantage. Qui osera par exemple parler de chantage dans le cadre de la fidélité dans un couple lorsqu'on dit à l'autre qu'on le quitte s'il est infidèle? Là où il n'y a plus de sincérité, il y a bluff, manipulation et ruse... une mise en garde n'est valable que si elle est sincère et n'exprime qu'une réalité profonde : soit sur les événements extérieurs soit sur sa nature humaine, ses principes. L'inverse d'un raisonnement cherchant justice ou vengeance : la recherche de la justice et de l'équilibre peuvent conduire au chantage affectif. La raison, le calcul sont les ennemis de la compassion et du pardon.

Reste malgré tout une exception à la sincérité : lorsque la sincérité vient d'un esprit irraisonné, voire irraisonnable. Deux cas de figure au moins : lorsque l'objet du chantage est disproportionné. Le chantage affectif au suicide en est l'exemple le plus flagrant sans doute : qu'est ce qui fait le poids face à ça? Ou bien lorsque la personne ne se connaît que très peu elle même : que vaut alors sa sincérité si elle se trompe sur elle même, faute de recul, d'expérience, de réflexion? On se rapproche alors des caprices de l'enfance...

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