dimanche 29 mars 2015

L'héritage

Petite réflexion sur ce qui symbolise peut être le plus nos travers dans cette société, sans même qu'on s'en rende compte.

L'héritage, d'un point de vue individuel, c'est permettre à ses enfants (je me contenterai de ce cas classique) de bénéficier de tout ce que nous avons accumulé dans notre vie. Priver ses enfants de cet héritage nous donnerait immédiatement l'impression de nous faire voler. C'est une certitude. C'est ce qui fait que la moindre taxe sur un héritage est vécue comme une injustice. L'argent amassé toute sa vie durant a déjà été taxé, le retaxer une seconde fois lors de sa simple transmission semble incohérent. La famille est perçu comme un tout, mon argent est celui de mes enfants, c'est un pot commun.

Oui mais voilà, si on sort du raisonnement individuel et qu'on adopte un point de vue collectif, tout change. La perspective est différente.

L'héritage permet d'amplifier les différences sociales, et détruit un peu plus l'égalité supposée des chances à la naissance. Déjà que grandir dans une famille riche donne un certain avantage, mais en plus démarrer sa vie avec le pécule hérité de ses parents : ceci trace un fossé entre les classes. Non seulement ces jeunes héritiers seront mieux armés, mieux éduqués, mieux protégés mais en plus ils n'auront, dans le cas extrême, même pas besoin de travailler pour gagner leur vie. Qui n'a jamais été excédé par un fils de?

C'est bien là qu'on se rend compte de toute la sournoiserie du système. En s'appuyant sur nos instincts protecteurs et sur notre solidarité familiale, nous ne faisons en fait que renforcer les inégalités. Chacun dans son coin a l'impression de lutter contre ces inégalités, en offrant davantage de chance à ses enfants qu'il n'en a eu, en se sacrifiant pour eux, mais au final ce sacrifice est vain. Plus la classe d'origine est élevée, plus l'héritage sera important. Et pour rajouter à cette inégalité, comme bien souvent, les riches trouvent en plus le moyen de se faire moins taxer que les classes moyennes. En courant après les avantages des autres, on ne fait que les renforcer.

Si on voudrait remettre un peu plus d'égalité dans le système, il faudrait supprimer (ou taxer à l'extrême) cette notion d'héritage. Il y aurait même sans aucun doute un effet bénéfique : l'obsession de capitaliser, de faire des économies disparaîtrait. Si on avait la certitude qu'à notre mort tout notre argent irait dans les caisses de l'état, je pense que nous profiterions davantage de la vie. Ceci permettrait à la fois d'augmenter le sentiment de bonheur, à moins se soucier de notre après-vie, et participerait à la vie économique : moins de placement, et plus de consommation.

Le meilleur des mondes dépasse la notion de l'individu, et celui de la famille. En cela, il sera très difficile à atteindre, il faudrait accepter une solidarité beaucoup plus large, ce qui n'est pas naturel. La solidarité au sein d'une tribu ou tout le monde côtoie tout le monde est naturel, mais au delà, elle devient réellement un choix, le produit d'une réflexion que tout le monde ne fait pas. Et quand bien même la réflexion est là, la générosité n'y est pas forcément, les habitudes sont tenaces (pour moi le premier...)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire