La formulation de ce principe au niveau européen est tout simplement stupéfiante. Tout y est.
C'est l'article 10, et surtout son principe qui est révélateur.
La liberté d'expression vaut non seulement pour les informations ou idées accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l'Etat ou une fraction quelconque de la population. Ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l'esprit d'ouverture, sans lesquels il n'est pas de société démocratique.
Le droit de heurter, choquer ou inquiéter, un individu, une communauté ou même l'état est écrit dans la constitution. C'est rassurant. Ceci pose clairement les frontières. Les principes ne sont pas fait pour être mis de côté ni même pour faire l'objet de compromis.
La loi a bien entendu prévu quelque limites malgré tout, mais celles-ci, présentes dans l'article 10 sont très élevées : elles touchent la sécurité nationale, l'intégrité territoriale, la sûreté publique, la défense de l'ordre, la prévention du crime... et quelques cas plus délicats à juger malgré tout : la protection de la santé et de la morale, la protection de la réputation et des droits d'autrui et les informations confidentielles.
On peut donc très bien ranger les incitations à la violence parmi les choses mettant en jeu la sûreté publique, les incitations à la haine dans la partie morale. On peut y voir un peu de flou, comme dans toutes les lois, il y a l'esprit et la lettre. Le flou est là pour permettre un jugement au cas par cas, intelligent et intelligible.
Bref, passons sur ces exceptions. Le principe est bien là, posé.
Dommage, il me donne l'impression d'avoir été oublié, ou avalé par le politiquement correct. Car ce principe est tout sauf politiquement correct.
Le principe est comme brisé maintenant, le ver est dans le fruit. On commence à douter de lui, à se dire que quand même, si ça heurte une partie de la population, alors il vaut mieux se taire, mieux vaut ne rien dire. Rien que l'existence de cette question, de ce doute, remet en cause ce principe, le détruit même. La peur a gagné.
Deux remarques me viennent à l'esprit maintenant.
D'abord, je me demande à quoi ressemblerait la description de la liberté d'expression si elle était rédigée maintenant. Je me demande si les constitutionnalistes auraient le même courage que leurs prédécesseurs ou s'ils laisseraient une place plus importante à la bien-pensance. On peut même se demander si ce n'est pas là le sens de l'histoire après tout, et on sait maintenant que l'histoire est écrite par les vainqueurs. Même si cela ne nous empêche pas de nous forger notre opinion.
Ensuite, cette épisode me rappelle l'expression de sens commun : la démocratie ne s'use que si l'on ne s'en sert pas. Valable aussi pour la liberté, et pour la liberté d'expression. Quand j'étais jeune, je comprenais assez mal cette pensée. Elle est devenue pertinente avec le temps, et elle est bien illustrée ici. Ne pas utiliser sa démocratie, sa liberté, c'est s'endormir, c'est laisser la place à ce qui n'est pas démocratie ou liberté. C'est comme un combat de chaque instant, limite comme l'ombre et la lumière, le bien et le mal. L'absence de l'un appelle son contraire. Ne plus user de sa liberté d'expression, c'est en perdre l'habitude, c'est ne plus être capable d'en faire preuve au moment ou ça devient le plus nécessaire.
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