dimanche 1 février 2015

Dilemme de Heinz (et développement moral)

Non, son dilemme ne consiste pas à se demander ketchup ou mayonnaise, c'est plutôt ça :
La femme de Heinz est très malade. Elle peut mourir d'un instant à l'autre si elle ne prend pas un médicament X. Celui-ci est hors de prix et Heinz ne peut le payer. Il se rend néanmoins chez le pharmacien et lui demande le médicament, ne fût-ce qu'à crédit. Le pharmacien refuse. Que devrait faire Heinz? Laisser mourir sa femme ou voler le médicament?

Ce qui est intéressant avec cette question, c'est qu'il n'y a pas de bonne ou de mauvaise réponse. Enfin, si des mauvaises il doit y en avoir ;)
Ce qui importe, ce n'est pas la réponse, mais la justification donnée par le sujet. Comme souvent, ce n'est pas la prise qui importe, mais la chasse. Les cheminements, qu'ils soient réels ou de pensées, sont les éléments les plus importants (leçon de vie applicable à à peu près tout).

D'après Kohlberg et sa théorie du développement moral, d'après les raisons invoquées par le sujet on peut essayer de deviner le niveau moral atteint par le sujet.
Les premiers stades du développement de la moral sont liées à l'enfance, puis on s'en écarte petit à petit, on grandit. Mais bon, tout le monde n'atteint pas les derniers degrés, certains peuvent rester bloqués à un niveau intermédiaire.

En premier lieu, seul l'égocentrisme prime. L'extérieur n'existe pas réellement, et s'il est perçu, ce n'est qu'au travers de récompenses ou de punitions. L'enfant est un chien de Pavlov amélioré : son apprentissage n'est que réflexe. Il commence par intégrer les punitions (2-6 ans), puis les récompenses (5-7 ans). Le bâton fonctionne toujours mieux, plus rapidement en tout cas :)

Ensuite, on intègre le fait de vivre dans une société : la dimension sociale de l'homme s'impose à nous. On intègre d'abord le regard de l'autre sur nous, on cherche à se positionner par rapport à celui-ci. On ne cherche plus nécessairement la récompense, mais l'approbation, la reconnaissance. On se demande ce que pense l'autre de nous (7-12 ans). Puis on réalise qu'il y a un ensemble de règles imposées par la société, par une norme tacite ou non. On prend conscience de ces normes sociales, qui garantissent un certain ordre, une certaine stabilité : la rébellion n'est qu'une forme particulière de la prise de conscience 10-15 ans).

Enfin, apparaît un peu de réflexion personnelle. On ne se contente plus de se positionner par rapport à des normes extérieures, à des pratiques imposées : on les remet en question, on prend la liberté de réfléchir et de se forger ses propres avis, et surtout de les mettre en pratique et de les défendre. C'est une forme d'émancipation. On pourrait croire que nombreux sont ceux qui atteignent ce stade, mais non : beaucoup restent bloquées sur le stade précédent, en sortie d'adolescence, et se contentent de se plier et de se réfugier derrière une acceptation aveugle des lois et de l'autorité (cf expérience de Milgram).
Bref, le premier pas de cette émancipation coïncide avec un certain abandon de l'égocentrisme : on commence à se soucier réellement du bien être des autres, et à l'intégrer dans ses actions. Les intérêts des autres ne sont pas supérieurs aux nôtres, mais ils font partie de la détermination de notre attitude.
Ensuite vient la construction d'un système moral personnel, primant sur l'acceptation aveugle des coutumes et lois extérieures. On est réellement émancipé, on est capable de prendre parti et surtout de se mettre dans une forme d'opposition personnelle, réfléchie et assumée (position qui pourrait être interprétée en faveur de tout opposant, aussi radical soit il...)
Enfin, le stade ultime serait le stade précédent poussé à l'extrême et transformant la personne morale en une sorte de guide, voire de figure héroïque : un exemple à suivre. Ils n'ont pas forcément été nombreux au fil des siècles, même si tout le monde peut l'être par éclair.

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