dimanche 8 février 2015

La connaissance du monde ou la connaissance de soi : le sens de la réflexion

Que ce soit dans les discussions ou les réflexions personnelles, généralement on procède par déductions. On a cette envie naturelle d'étendre notre champ de connaissances à partir de ce qu'on sait.

D'une certaine manière, on suit le mouvement naturel, on se calque sur celui-ci : nous observons l'écoulement du temps, fait de causes et de conséquences, nous cherchons les liens entre ces événements. Nous pouvons chercher dans les deux sens : partir des causes et aller vers les conséquences, ou inversement, essayer de déterminer les causes de ce que nous constatons. Cette approche nous permet de mieux appréhender le monde, voire de le comprendre.



Confronté à un autre point de vue sur le monde, généralement le choc des idées se résume à imaginer à quoi ressemblerait le monde selon nos idées. Et cette vision du monde devient la source de nos idées, sa justification, voire son argumentation.
Deux exemples pour illustrer ce discours abstrait :
- le premier en politique : selon vos opinions, vos idées vont nous permettre de former l'image d'un monde meilleur : plus solidaire, plus libertaire, plus sûre, plus respectueux.. plus tout-ce-que-vous-voulez. L'application théorique de vos idées vous conduit à ce monde, et cet objectif devient la justification de vos idées.
- le second dans la vie quotidienne : nos opinions, comme en politique, nous permettent de forger une image idéale de la famille, de l'amitié, de notre vie quoi. Et cette vision-objectif guidera nos actes et nos décisions.
Et dans ces deux exemples, la confrontation, l'échange d'idées consiste généralement à comparer les mondes idéaux et à discuter sur les moyens à mettre en oeuvre pour y arriver au plus vite.

Mais comme souvent avec la pensée humaine, on intervertit cause et conséquence. L'image idéal du monde est forgée par notre pensée, et au final, nous prenons cette utopie pour la cause et la justification de nos décisions et réflexions futures.

Ces discussions sont donc toutes tourner vers l'extérieur, vers le monde et l'idée que nous avons. Et c'est bien pourquoi il est très difficile de faire changer d'avis quelqu'un : c'est comme s'attaquer aux symptômes plutôt qu'aux causes profondes.

L'autre façon d'aborder les choses, moins courante et sans doute plus déstabilisante, c'est justement d'aller chercher ces causes profondes, d'aller non plus vers la connaissance du monde, mais vers la connaissance de l'autre, et de soi même.
Plutôt que de prendre nos idéaux et plus généralement nos inclinations comme des bases de notre réflexion, il s'agit de les prendre comme les conclusions. Chercher à comprendre ce qui nous a conduit à penser ce qu'on pense : éducation, expériences personnelles, histoires... Il s'agit de se déconstruire et de remonter le fil des causes : non plus le fil des causes externes pour comprendre le réel, mais le fil des causes internes, pour se comprendre soi.

Cette approche peut être déstabilisante lorsqu'elle est pratiquée sur autrui car elles force la remise en question. Les discussions tournées sur le réel ne sont que déductions et logique. La complexité du monde permet l'émergence et l'existence de différents points de vue, et les discussions servent à détricoter cette complexité. Alors que la discussion tournée vers soi ou vers l'autre s'apparente plus à la psychanalyse et nous pousse à re-générer les raisonnements qui font de nous ce que nous sommes. Ce que nous prenions pour acquis doit être réexpliqué. Et cette ré-explication permet de se réapproprier sa propre pensée, de ne pas se laisser enfermée par elle. Cette remise en question doit être permanente je pense. Et poussé à bout, le raisonnement permet de mettre la main sur nos valeurs fondamentales, sur nos croyances : les valeurs que nous possédons, que nous défendons, tout en avouant notre incapacité à les expliquer, et donc à les prouver, à les argumenter, notre incapacité à en convaincre autrui.
Ce chemin de remise en question est déjà déstabilisant en soi, mais lorsqu'il aboutit au constat de la croyance et de l'incapacité liée à cette croyance, il peut être vécu comme destructeur. Après tout, c'est bien l'objet d'une remise en question : détruire pour mieux construire (si besoin).

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