samedi 20 juillet 2013

La menace est un instrument de pacification

Étrange comme certains concepts sains arrivent à être détournés par les hommes pour en faire des concepts pervertis. Et le pire est peut être que c'est cette image pervertie qui s'impose globalement à tous nos esprits.

La menace est maintenant vue comme une tentative de manipulation, comme une agression, comme la privation de sa liberté d'agir, voire de penser. Devant la moindre menace, on s'offusque, on rappelle le fascisme et autres régimes barbares, on invoque sa liberté individuelle, reniant au passage la liberté individuelle de l'autre, qui menace, mais bon, dans ce genre de discussion on n'est pas à ça près.

Alors qu'à la base, qu'est ce que la menace si ce n'est un signal d'alarme à destination de l'autre, lui indiquant qu'on va attaquer si certaines limites sont franchies. La menace est prévenante.
Celui qui menace ne souhaite pas la mettre à exécution, sinon il le ferait sans cette prévenance, cette précaution, il bénéficierait en plus de l'avantage de la surprise.
Le plus bel exemple vient du monde animal : un animal en menacera un autre lorsqu'il s'approchera de son territoire, voulant le faire fuir sans combattre. Alors que les agressions et les attaques sont franches, rapides et discrètes. Si malgré la menace on décide de pénétrer sur le territoire défendu, alors on se fera attaquer, mais ça sera notre choix.
La menace se veut dissuasive : elle cherche à éviter un conflit où le risque de perdre (la vie, la face, ses possessions..) est important ou bien à l'inverse où le gain, l'enjeu est trop faible (et donc le conflit est inutile). Bref, la menace a sa place lorsqu'il y a un trop grand déséquilibre entre risque et enjeu : risque fort par rapport à l'enjeu ou enjeu infime, quelque soit le risque. La menace est évitement, elle vise clairement à éviter une situation où on n'a rien à gagner.
Petit exemple plus humain : la menace nucléaire, arme de dissuasion massive...

Et pourtant, menacez quelqu'un et observez sa réaction. Il pensera que vous n'êtes pas légitime de le menacer, il croira que vous souhaitez installer ou renforcer un rapport de force alors que vous ne souhaitez que défendre votre intégrité et éviter un conflit inutile.

D'où vient cette incompréhension menant à une discussion de sourds?
Une fois le problème posé, la réponse est simple : elle vient de l'intention et de la suspicion.

De l'intention, car c'est évident que là je n'ai présenté que le bon coté de la menace, mais la menace peut aussi être utilisée avec une mauvaise intention, celle de simplement manipuler l'autre, celle de simplement contraindre un plus faible à agir selon notre guise. Cette mentalité complexe n'est présente que chez l'homme me semble t'il, il s'agit là sans doute d'une perversion : contraindre l'autre à nos désirs. On l'accepte quand il s'agit de contraindre un animal ou un sous-homme (du temps de l'esclavage), mais on ne l'accepte plus vraiment dans notre époque de liberté (les contraintes sont plus subtiles en tout cas...). Mais bon, dans ce cas il est important de noter que l'usage de la menace est malgré tout préférable à la force, si on part du principe que ce rapport de force est objectif. Et si le rapport de force n'est pas objectif, alors il s'agit peut être de bluff, de manipulation... et c'est là où l'intention devient doublement critiquable : elle vise à faire passer pour vrai quelque chose de faux, ou à ne juger que la détermination (force de caractère?) plutôt qu'un pouvoir plus absolu.

De la suspicion, car si on refuse la menace, c'est simplement parce qu'on projette cette intention contraignante sur la menace, et cette projection est quasiment systématique, elle est devenue un réflexe, appliquée sans aucun sens critique, sans aucune écoute, et c'est bien là l'origine du dialogue de sourd. On traitera une menace défensive, prévenante comme si elle était le fruit d'un rapport de force dans le regard de l'autre. Quelque part, cela signifie que le rapport de force est dans notre regard, pas dans celui de l'autre, et nous ne faisons que projeter que nos peurs et nos angoisses, notre sentiment d'infériorité. Mais bon, inutile de culpabiliser, tout le monde est comme ça : il est plus difficile de sortir du lot que d'y rester...

Conclusion : l'intention donnera la qualité de la menace :
vise t'elle à protéger son intégrité, à éviter un conflit où on n'a rien à gagner et plus à perdre (à commencer par son temps, son énergie...)
ou vise t'elle à obtenir quelque chose en évitant l'usage de la force (premier niveau de perversion)
ou bien, pire, vise t'elle à obtenir quelque chose par la manipulation, la détermination?
Et notre réaction face à la menace ne doit pas être systématique, on doit une fois de plus avoir conscience de la situation. Voir une menace manipulatrice de la part d'un ami bienveillant est un non-sens... il faut sans doute lier notre interprétation de la menace à notre à priori sur la personne, mais pas dans le sens cause/conséquence habituel : s'il me menace, c'est que c'est un ennemi, mais plutôt dans l'autre sens : si j'ai confiance en lui et qu'il me menace, c'est que je suis en train de mettre en péril son intégrité sans même m'en apercevoir...


[moi qui voulais faire court... comme quoi, on sait jamais sur quoi on s'embarque lorsqu'on commence à réfléchir... ]

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