lundi 15 février 2016

Empathie, sympathie et compassion

Petit retour aux définitions ce soir, termes voisins dont je ne suis pas sûr de bien maîtriser les différences. Les trois termes sont très proches etymologiquement parlant, ils partagent la même racine : la souffrance/le ressenti, et diffèrent du préfixe :
em- : dedans, à l'intérieur
sym- : avec, ensemble, en même temps
com- : ensemble, avec
Bon, on voit déjà qu'on va avoir du mal avec les deux derniers :)


L'empathie est presque une faculté intellectuelle : c'est la faculté de percevoir, d'identifier, de comprendre les émotions de l'autre. L'empathie est relativement objective dans la mesure où il y a une certaine distance avec le sujet. On identifie ce que l'autre ressent, mais on ne ressent pas forcément la même chose. Exemple extrême : un bon sadique est nécessairement doté d'une bonne empathie. Sa capacité à identifier et décrypter la souffrance de l'autre lui procure un plaisir. L'empathie est donc une aptitude qui peut se travailler. Étymologiquement, c'est "souffrir à l'intérieur", c'est la capacité à se mettre à la place de l'autre, à l'intérieur de l'autre, tout en restant soi-même. On se projette à l'intérieur de l'autre, mais on reste soi.

La sympathie est instinctive. Elle est un lien, une communion qui s'établit instantanément entre 2 personnes, entre 2 idées. Étymologiquement, c'est souffrir avec. Il n'y a pas de projection ou d’intellectualisation, ni même de causalité temporelle par rapport aux émotions de l'autre. La sympathie fait que les émotions naissent chez les deux personnes en même temps : une cause unique créera les mêmes effets. Éprouver de la sympathie pour autrui, c'est en quelque sorte ne faire qu'un avec lui : pas forcément en s'effaçant, mais c'est s'identifier en son double en quelque sorte. On peut retrouver cette notion derrière les sympathisants : ils partagent un même idéal, une même croyance, ils sont ensemble à partager une même idée, une même émotion.

La compassion, c'est souffrir ensemble (simple étymologie). On retrouve une notion de causalité : il est nécessaire que l'autre souffre avant moi, pour que je puisse être touché. Mais à la différence de l'empathie, il ne s'agit pas de comprendre froidement et objectivement l'autre, sa douleur et ses mécanismes, mais de la ressentir. Il y a une implication émotionnelle beaucoup plus forte, et cette implication, à la différence de la sympathie, est volontaire : elle n'est pas instinctive. Cette souffrance partagée pousse du coup à l'altruisme : on cherche à diminuer la souffrance de l'autre, ne serait que pour diminuer la sienne.

Au final, comme bien souvent, je vois que mes définitions ne correspondent pas forcément à ce qu'on trouve ailleurs. Les définitions restent souvent subjectives, imprécises, usées par le temps et les usages. Et on voit au travers de mon prisme apparaître 2 notions qui permettent de classer ces définitions :
- la notion d'implication personnelle : la sympathie et la compassion impliquent le sujet, on n'en ressort pas indemne, contrairement à l'empathie qui permet de garantir son intégrité, qui permet une analyse et une compréhension froide (même si en pratique on n'est rarement 100% empathique)
- la notion temporelle, qui est en fait liée à une démarche volontaire ou au contraire subie, instinctive. L'empathie et la compassion sont plutôt volontaires : on peut s'y fermer ou au contraire s'y ouvrir, ce sont des réactions à peu près contrôlables qui interviennent après la rencontre de l'autre, après l'apparition d'une émotion chez l'autre. Alors que la sympathie est instinctive, elle ne se contrôle pas, elle se constate, et elle est directe.
Du coup, on pourrait créer un 4ème mot pour définir une capacité instinctive à deviner et comprendre instantanément les émotions et souffrances d'autrui : sorte de télépathie incontrôlable qui nous pousserait à sonder en permanence tous ceux qui nous entourent...

Petites illustration par l'exemple pour voir si mes définitions sont applicable et ont un sens (ça serait con d'avoir écrit tout ça pour rien :) )
Le chat de ma voisine meurt :
- j'aimais bien ce chat, je jouais souvent avec, par sympathie avec ma voisine, je suis triste. Son décès me touche comme il la touche elle. Le comme étant à relativiser : nos expériences sont à la fois similaires et distinctes.
- je comprends que le décès d'un animal de compagnie est une épreuve douloureuse : sentiment de perte. Mon empathie me permet de comprendre ce qu'elle ressent, et je peux choisir de l'aider ou pas à traverser cette épreuve.
- je vois ma voisine en larmes, je suis touché. Je n'ai jamais eu d'animal domestique, alors je ne comprends pas vraiment pourquoi elle se met dans cet état, mais la voir ainsi me touche et me fait souffrir à mon tour. J'aimerai pouvoir l'aider, mais je ne sais pas comment.


Cet exemple apporte une autre information : seule l'empathie permet d'atteindre une certaine efficacité. L'empathie est liée à une certaine connaissance de l'âme humaine.

La sympathie permet de ressentir ce que ressent l'autre : notre sentiment rejoint celui de l'autre, mais ceci peut n'être valable que sur ce point. Et les méthodes pour aller mieux peuvent ne pas être sympathiques : une méthode qui marchera sur moi ne marchera pas forcément sur ma voisine. Je risque donc, si j'essaye de l'aider de lui apporter des solutions inadaptées.

La compassion permet de partager la souffrance, le fardeau, mais nous laisse désemparer et totalement impuissant : on ne fait que constater la souffrance de l'autre, sans même la comprendre. Et cette incompréhension pourra même être mal prise dans certains cas, l'incompréhension pouvant être perçue comme une non-reconnaissance : étant incapable de comprendre le chagrin de ma voisine, elle pourrait m'accuser de sans-coeur, ou croire que je pense qu'elle exagère, qu'elle joue la comédie. La compassion peut jouer de mauvais tours...

Et enfin l'empathie permet de comprendre la souffrance de l'autre, de la comprendre de l'intérieur : on reste soi, on n'est pas impliqué émotionnellement, on garde ses facultés d'analyse, mais justement, en restant soi, on arrive à se mettre pleinement à la place de l'autre et donc à comprendre les mécanismes de souffrance, et aussi ceux de guérison. Même si ceux-ci ne nous viennent pas à l'esprit de manière innée (cas d'une empathie instantanée télépathique, qui me permettrait même de voir plus clair que ma voisine dans son propre esprit, n'étant pas influencé par la souffrance), notre capacité à l'empathie nous permettra d'affiner sans cesse notre interaction avec l'autre. Je serai donc capable de proposer des solutions à ma voisine pour alléger sa douleur, et je verrai rapidement si ces solutions lui conviennent ou pas : je pourrai sans arrêt ajuster mes propositions. L'empathie est associée à une écoute attentive.

Pour simplifier, au final,
- la sympathie, c'est partager les sentiments de l'autre, sans forcément les comprendre ou être affecté par les sentiments de l'autre ;
- l'empathie c'est comprendre les sentiments de l'autre (et donc les détecter), sans forcément les partager, les ressentir ou même en être affecté ;
- la compassion c'est être affecté par les sentiments de l'autre (et donc les détecter), sans forcément ressentir les mêmes, les partager.
Cette grille semble plus proche du vocabulaire que la précédente, car elle permet de bien distinguer les catégories :
- comprendre sans partager ni être affecté, c'est l'empathie
- partager sans comprendre ni être affecté, c'est la sympathie
- être affecté, sans comprendre ni partager, c'est la compassion.

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