dimanche 4 janvier 2015

La diffusion du savoir le renforce ou le dilue?

Petite réflexion après la lecture d'un article d'un autre blog : les gamins ne savent pas utiliser les ordinateurs.

Le constat semble évident si on regarde derrière nous.
L'acquisition d'un savoir est toujours due à une certaine élite, des trouveurs, des passionnés.
Ensuite, le savoir se diffuse aux premiers cercles autour du trouveur : d'autres passionnés, d'autres personnes qui s'investissent mais qui n'ont pas eu la chance ou le talent du trouveur.
Le savoir est alors la propriété d'un petit groupe : la connaissance demande un certain investissement, un jargon se crée, un groupe se forme, une identité. Les connaisseurs se reconnaissent entre eux. Il peut découler de tout ceci une certaine fierté à faire partie de ce groupe.
Puis enfin  la connaissance se généralise, se démocratise. Ceci peut se faire soit par la simple éducation (ou simple diffusion d'information... si elle est suffisamment intéressante), soit par la diffusion massive de la technologie ou d'un objet représentant ce nouveau savoir.

Petits exemples tirés au fil de l'histoire :
- l'écriture et l'érudition était d'abord l'apanage des nobles ou des bourgeois. C'était un moyen de se distinguer du peuple d'une certaine façon, de sortir du vulgaire. Certains se mettaient en quête de savoir, les encyclopédistes sont apparus, la langue française était respectée, les écrivains et poètes étaient des notables. Puis l'éducation a diffusé ce savoir, et cette connaissance a en même temps perdu de son intérêt, de son attrait... et maintenant on pourrait presque dire qu'elle est dénigrée à travers le langage texto.
- la musique : sans remonter à l'age d'or de la musique classique, on peut déjà remonter à l'époque où les connaisseurs traînaient chez leurs disquaires, où les informations circulaient par bouche à oreille. La découverte d'un nouveau groupe était une aventure. Et surtout, l'écoute de la musique demandait un investissement : on respectait forcément davantage cette écoute. On écoutait moins de chose, mais ce qu'on écoutait, on cherchait le savourer, à se l'approprier.
Allez, deux derniers exemples, moins développés, mais plus techniques (et moins culturels ou artistiques) :
- la voiture : il n'y a pas si longtemps, posséder une voiture impliquait des connaissances mécaniques. Les propriétaires se passionnaient pour ce nouvel engin, à la pointe de la technologie, et se devaient d'en maîtriser le fonctionnement (au moins en partie) du fait de la fiabilité du véhicule...
- l'ordinateur (pour reprendre l'exemple de mes sources ;) ) : posséder un ordinateur exigeait certaines connaissances, et poussaient vers la passion : c'était une nécessité de s'intéresser, de s'investir, et de comprendre. Maintenant, comme pour la voiture, l'usage en est venu courant, il a été simplifié. La complexité s'est accrue tout en devenant de plus en plus transparente, et donc moins maîtrisée par les utilisateurs.

Qu'est ce qu'on peut retirer de tout ça? De ce progrès?
La connaissance est vouée à se répandre, mais en se propageant, en se diffusant, elle se dilue.
La profusion provoque le désenchantement, et donc le désintéressement.
L'homme est fainéant et attiré par la nouveauté : si ce qui est ancien est compliqué à comprendre, à s'approprier mais facile à utiliser, alors tout le monde se contentera d'être simple utilisateur.
Mais cette fatalité de perte de maîtrise n'est pas nécessairement négative. C'est exactement comme face à chaque progrès : tout dépend de comment nous mettons à profit le gain retiré.
Le progrès, technique ou purement intellectuel, doit nous permettre d'accéder à un état supérieur.
Cependant, l'interrogation subsiste :
- autant pour le progrès technique, ça ne fait pas de doute qu'au niveau de la société, les progrès s'accumulent. Les acquis d'hier se transforment en tremplin pour franchir de nouveaux paliers, gagner en précision et en complexité, et tout le monde arrive à en profiter.
- autant pour les progrès spirituels, culturels, le phénomène n'a pas l'air d'être le même. Le peuple, par sa masse, dans sa moyenne reste vulgaire, et ce qui était l'apanage des connaisseurs passionnés hier, est broyé par la démocratisation. La norme non passionnée reste dénué de passion : leur transmettre une connaissance ne leur transmet pas le goût de l'apprentissage. Et à l'opposé, les passionnées d'hier le sont encore aujourd'hui, mais leurs passions se tournent (souvent) vers d'autres sujets (même si on peut se passionner pour d'anciens sujets : la notion de progrès étant inapplicable pour ces domaines). Pour les premiers, on parlera de modes qui se succèdent, alors que pour les seconds on pourra parler de périmètres qui s'étendent...

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