mardi 2 juin 2015

Il n'y a point de vent favorable pour celui qui ne sait dans quel port il veut arriver

Citation de Sénèque ce soir. La suite, pour être complet :
Le hasard doit nécessairement avoir une grande influence sur notre vie, lorsque nous vivons au hasard.


Belle formulation pour dire que la chance ça se provoque. La citation en dit même plus.
On ne juge le côté bénéfique que par rapport à un objectif : soit on s'en rapproche, soit on s'en éloigne, c'est la mesure du favorable.
Bon, par contre, je ne suis pas sûr d'être d'accord avec cette citation : l'image détourne un peu la réalité. En navigation, il n'y a sans doute pas de vent favorable sans objectif, mais dans la vie, il peut en être autrement : on peut mesurer les circonstances, peut être pas dans l'absolu -il faudrait être dieu pour ça, et embrasser d'un regard toute l'éternité- mais au moins dans l'instantané du présent. On peut juger bon un événement sur le coup, quitte à changer d'avis un peu après... puis à rechanger d'avis. L'absolu et l'éternité nous échappent, nos avis ne peuvent qu'être éphémères, mais ce n'est pas une raison pour les dénigrer, au contraire. Pour retourner sur les flots imagés de Sénèque, on peut juger favorable le mouvement : peu importe où il nous amène, le mouvement peut se suffire à lui même, on peut désirer une bise suffisamment forte pour glisser sur les flots, peu importe la direction. La sensation et le mouvement étant suffisant. Certes, ça en devient un objectif, mais pas au sens premier.

Je préfère la deuxième partie de la citation, dont la formulation ressemble à une tautologie mais qui contient une grande sagesse je trouve, et qui redonne du pouvoir à l'homme face aux hasards. Ce pouvoir est peut être faible -l'auteur se garde bien de se prononcer sur le sujet- mais en faisant le choix de l'abandonner, on se livre encore plus totalement au hasard.
La phrase rappelle aussi le caractère naturel de l'homme qui consiste à s'auto-justifier. Tout mouvement s'auto-entretient, ou cherche à le faire en tout cas, et lorsque nous choisissons de voir la vie comme dépendante du hasard, lorsque nous choisissons de lui laisser les rênes, alors il ne faut pas s'étonner de voir le hasard tenir ces rênes, et il ne faut surtout pas y voir la preuve de notre croyance absolue. Voilà qui illustre bien mon post précédent, sans même l'avoir cherché.

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