lundi 24 mars 2014

La folle expérience (suite)

Autre expérience de Sieur Benjamin Libet ce soir, pour la rappeler à ma mémoire.

Prenez un homme, séparez lui les 2 hémisphères. Bon OK, c'est un peu barbare, pour rendre la chose plus acceptable, prenez un homme dont les 2 hémisphère sont séparés, les accidents, ça arrive.
Bref, cet homme aura un problème, ses hémisphères ne communiquent plus entre eux.
Le cerveau gauche contrôle la partie droite, dont la vision de l’œil droit, le droit contrôle le gauche, mais la où la symétrie se brise, c'est sur le langage : son aire se trouve seulement dans l'hémisphère gauche.
Montrer à l’œil gauche une image quelconque (de la neige) et au droit, une tout autre image (une tête de coq), et montrez lui d'autres images, pour qu'il fasse une association : il pointera du doigt les "bonnes" images : une patte de coq et une pelle pour déblayer la neige.
Sauf que, maintenant, si vous lui demandez une explication à sa décision, il expliquera, avec son cerveau gauche qui a vu à droite, que l'association est évidente : coq-patte. Et pour l'autre décision, il bafouillera un peu et inventera une raison (la pelle qui permet de nettoyer les saletés laissées dans le poulailler).

La conscience intègre l'information, mais est incapable de la ressortir, pourquoi pas, c'est physique après tout. Mais ce qu'il y a de plus choquant c'est cette capacité à inventer une fausse raison (et à y croire dur comme fer).

Corsez un peu l'expérience, remplacez la neige par un ordre plus direct, du genre "partez, l'expérience est terminée". Le sujet se lèvera et s'en ira, si vous lui demandez pourquoi il s'inventera une excuse : envie d'aller aux toilettes, quelque chose à faire chez lui. Vous pourrez lui reposer la question quelques jours plus tard, l'excuse n'aura pas changé.

Qu'on se fasse manipuler par son inconscient n'est pas nouveau. Certains phénomènes nous influencent mais nous sommes incapables de les nommer. L'information est intégrée sous le seuil de la conscience, mais l'influence existe. Ce qui est plus surprenant c'est que notre esprit, comme la nature, a horreur du vide : une décision sans raison, purement arbitraire est un non-sens. Ce qui peut s'expliquer facilement : si je perds le contrôle de mes décisions, alors je perds mon contrôle tout court, je deviens un pantin, dirigé par autre chose que moi même, simple spectateur de mes propres gestes, des décisions d'un autre : insupportable je pense. L'esprit y joue sa survie je pense, perdre signifie perdre la raison, perdre sa santé mentale, perdre son esprit. L'esprit échafaude donc à toute vitesse une raison et s'y tient.

On tombe dans de la mauvaise foi extrême, gouvernée par notre corps. Et je pense qu'on peut y trouver une explication à la mauvaise foi quotidienne, qui reste un système de protection. La recherche de sens dans nos actions devient fondamentale, c'est une caractéristique de l'être humain, et là où ça devient problématique c'est lorsque une partie de mon être refuse la raison "objective", ce refus peut être conscient ou refoulé, le mécanisme ensuite sera automatique : chercher une raison de substitution. Si reconnaître mon tort est plus destructeur pour ma personne que le fait de faire une croix sur la vérité, alors mon instinct de conservation me poussera vers la situation la moins hostile. Mais à la limite, lorsque le sujet ne réalise pas qu'il s'accroche à quelque chose de faux, lorsqu'il est convaincu d'être dans le vrai, qu'il croit à son mensonge, on n'est pas vraiment dans la mauvaise foi, on est dans la mythomanie, pathologie de la mauvaise foi. Et reste le meilleur vaccin contre la mauvaise foi : la soif de vérité. Celui qui veut toujours accéder à la vérité, qui place cette valeur au-dessus des autres ne doit pas pouvoir user de mauvaise foi trop longtemps, ceci générerait trop de tensions en lui, trop rapidement (comptez quand même quelques minutes, voire heures...)

Et l'inverse? Peut on en conclure que les gens qui pratiquent aisément la mauvaise foi ne sont pas des amoureux de la vérité? Oui, certainement, leur échelle de valeur doit placer d'autres concepts au-dessus de la vérité : l'estime de soi, son honneur, son image par exemple...

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