vendredi 21 février 2014

Tout est improbable, jusqu'à ce que ça arrive

Extrait tiré de Échecs et maths de Terry Bisson.

Petite perle, paradoxe ambulant, tellement vrai et tellement faux à la fois, du coup tellement profond, ou tellement naïf.

Tout est improbable ici, à commencer par notre existence, la vie sur terre : et pourtant nous sommes là.
L'approche mathématique, probabiliste peut nous aider à faire des choix, ou plutôt nous aider à nous rassurer sur nos choix, mais au final notre expérience personnelle est forcément unitaire. Nous faisons s'écrouler les fonctions de probabilités (on pourrait même trouver un peu de mécanique quantique dans cette petite phrase...)
Les proba et les stats restent vraies : elles donnent un éclairage global et offrent une approche froide et rationnelle. Mais notre expérience n'est pas globale.
L'avion que je prends a un certain risque de se crasher, mais au final, il se crache ou pas : c'est binaire. La vie est binaire, les nuances sont apportées par la masse, qui apporte la diversité. Et s'il n'a qu'une chance sur un million de se crasher, ça me fera une belle jambe de le savoir s'il se crache effectivement. L'expérience transforme les hypothèses en faits réels.
L'improbable est partout : peut être que d'en avoir conscience peut rendre la vie plus forte. Il est à peu prêt aussi improbable que je sois là en train d'écrire un article pieds nus que que je gagne au loto. Voire même peut être plus : le loto voit des gagnants chaque semaine, et je suis le seul à faire ce que je fais, à avoir mes idées, à être là, à cet instant précis, à écrire et penser et ceci.
Et pourtant, nous ne voyons pas cet émerveillement, nous y sommes (devenus?) hermétiques, aveugles. Oubliant que toute notre vie est improbable, que tout ceci est déjà un miracle, que chaque rencontre est improbable, chaque amitié encore plus, chacune de nos expériences...

Tout ceci est improbable, fragile et éphémère, et pourtant nous le considérons comme normal, comme un dû. Pourquoi mon esprit est il capable d'un rationalisme froid et extrême quand ça l'arrange et n'est pas capable de réaliser (et garder à l'esprit) une vérité aussi bête et rationnelle ?

Nous avons juste notre regard qui porte à une mauvaise échelle : plus centré sur nous, nous serions égocentriques, nous serions notre propre Dieu, et chacune de nos actions serait divine. Nous ne sommes pas une probabilité, nous sommes le centre, notre centre, tout puissant, le reste important peu. Extrême inverse, nous sommes l'improbable au milieu de ce vaste univers, et pourtant, miraculeusement, nous sommes là. Grain de sable perdu dans l'univers, certes, mais là : à vivre, ressentir, l'émerveillement devrait être là (même s'il pourrait place à un abattement général de se sentir si petit : ma foi, il suffit de l'accepter). Mais malheureusement, notre regard est intermédiaire, il reste suffisamment ouvert aux autres pour nous comparer sans cesse, pour prendre en compte des probabilités faussées, basées sur que nous percevons des autres, du monde. Cette vision fait apparaître des dus : la norme devient un dû, la norme n'étant que le fruit de notre regard subjectif. On ne voit que ce que l'on veut bien voir, et on en oublie à la fois notre unicité et notre chance (probabilité) d'être, d'exister...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire