mardi 1 avril 2014

Libre arbitre ou folle expérience n°3

Allez, une dernière pour la route, toujours avec ce cher Benjamin Libet.
Prenez un patient, demandez lui de prendre une décision librement : la décision d'appuyer sur un bouton quand il le souhaite, et mesurez ce qu'il se passe dans son cerveau, dans sa conscience (quand il formule sa prise de décision) et son acte.
Vous remarquerez qu'une seconde avant son acte, son cerveau s'affole : enfin, vous verrez la préparation de son geste, un potentiel électrique. Puis, 0.2 seconde avant son acte, il y aura la conscience de la décision : le patient aura l'impression de s'être décidé à ce moment, inconscient des mécanismes physiques qui s'opèrent dans son cerveau, et enfin viendra l'acte. Bon, on peut aussi s'amuser à y voir un voyage dans le temps, mais bon cette solution n'est pas à sortir tout le temps non plus, c'est juste un signe physique d'une préparation mentale.
Là où ça devient intéressant, c'est qu'en suivant l'activité du cerveau, on peut voir la même préparation mentale se produire, les tracés sont identiques, sauf que l'acte ne se produit pas, et après ce non-acte, les tracés deviennent différents (pas le même relâchement de la tension). Le patient interrogé sur ces épisodes là dira qu'il a failli appuyer, puis qu'il s'est finalement retenu.
Il se passe quelque chose 0.2 secondes avant l'acte : le sujet choisit à ce moment de laisser faire ou de stopper le processus physique. Le libre arbitre est là, il est le choix de laisser jouer ou d'interrompre l'action (la métaphore avec l'arbitre devient évidente : il n'intervient pas directement dans le jeu, mais à tout moment il peut tout stopper, et reprendre le contrôle pour repartir à zéro)
L'esprit, l'âme ne se mesure sans doute pas, mais là on s'en approche sérieusement, à déduire l'existence de quelque chose qui s'impose aux processus neuronaux (bon d'un autre coté, on place toujours Dieu ou l'esprit dans l'inconnu, dans ce qu'on ne mesure pas... encore... En tout cas, on peu au moins en déduire que quelque chose de non mesurable, non neuronal, non électrique se produit et influence fortement les processus standards)

Bon, ça c'était l'expérience, à moi de réfléchir maintenant.

Ça rejoint un peu (beaucoup) ma conception de l'esprit et du libre arbitre, ça la consolide.
Le libre arbitre, c'est comme l'esprit critique (et les antibiotiques), ça n'est pas automatique ! C'est un acte conscient, intrusif sur la réalité qui s'écoule doucement, machinalement, prévisiblement. L'habitude, ou une vie sans question conduit à une vie sans libre arbitre, confortable et prévisible, dans les actes et surtout dans les pensées. Où l'homme devient robot abruti.

Le libre arbitre est quelque chose de discret, pas seulement dans le sens peu détectable, mais dans le sens de non-continu. Le libre arbitre intervient en pointillé, de manière limité. Il ne peut que nous mettre des petites claques, nous faire marquer des temps d'arrêts pour nous relancer sur d'autres rails, d'autres décisions... et le pilotage automatique reprend le dessus, jusqu'à sa prochaine intervention. Nous restons des robots, mais pas forcément stupides, avec des éclairs de lucidité. Les éclairs peuvent se produire souvent, mais pas de manière continue je pense, j'ai le sentiment que ce serait trop éprouvant. Au mieux le libre arbitre donne une direction, une voie... et si le pilotage automatique va dans une autre direction, il faudra multiplier les rappels. Un peu comme la lutte de la volonté contre une addiction. Au premier relâchement l'addiction essayera de reprendre le dessus, le naturel, l'habitude. Au libre arbitre de s'exprimer, et de choisir.

L'action du libre arbitre est de ce fait limité, mais bon, ceci était évident je pense. Je ne peux changer radicalement, tout se joue dans un champs de contraintes assez étroit. Suffisamment étroit pour y voir une notion de destin, à chacun sa croyance.

Enfin, dernier point, pas des moindres, ceci nous déresponsabilise de nos pensées, mais pas de nos actes (ce qui se rapprocherait de la pensée juive à priori, la pensée chrétienne condamnant la moindre pensée impie, dommage pour nous d'avoir grandi là dedans...). Nous ne choisissons pas d'avoir peur, mais nous décidons ce que nous en faisons, nous ne choisissons pas nos sentiments (pour peu qu'on tente de les expliquer par des phénomènes chimiques et matérialistes), nous ne choisissons même pas nos pensées, qui se construisent toutes seules dans notre cerveau suffisamment complexe pour ça (simple hypothèse matérialiste, car certains peuvent voir la source des nos pensées encore ailleurs...) mais nous avons constamment la possibilité de nous laisser diriger par celles-ci, qui sont en dehors de notre conscience, ou d'interrompre cette aliénation. Et je retombe sur un de mes principes : la conscience, la prise de conscience... être aware quoi. A nous de détecter tout ce qu'il se passe en nous, d'en avoir conscience, et de choisir : laisser jouer, laisser aller ou bien interrompre et donner une autre direction....

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