dimanche 1 juin 2014

Avoir toujours raison ou n'avoir jamais tort?

Deux attitudes similaires mais pas du tout identiques, question de principe, de fierté, et généralement on se défend de l'une comme de l'autre. Petite analyse rapide, comme d'hab :)

Déjà, factuellement, il est plus simple de n'avoir jamais tort : il suffit de ne jamais rien affirmer, de n'émettre que des doutes. Ne rien faire, ne rien dire est la meilleure solution pour n'avoir jamais tort, mais de manière un peu moins extrémiste, il suffit de ne pas trop s'engager, de ne rien affirmer pour ne jamais se tromper.

Avoir toujours raison est plus engageant, et est aussi beaucoup plus difficile à tenir. Avoir raison signifie non seulement ne pas se tromper, mais implique en plus voir juste, de manière précise. Il existe en effet différents moyen rhétoriques pour ne pas avoir tort, pour ne pas perdre la face : relativiser les propos, les particulariser à un contexte précis (et implicite, non dit), rajouter des éléments, des précisions... bref, grâce au non dit, on peut facilement tellement diminuer le périmètre de notre propos pour qu'il ne s'applique à presque plus rien.

Au final, avoir toujours raison dénote un complexe de supériorité ou une forte confiance en soi : c'est une question de connaissance, de savoir : de puissance. Mais cette position de principe devient vite intenable face à une réalité contraire : à trop s'engager, à trop affirmer, on finit par se tromper et le désengagement est impossible. Reconnaître son tort est douloureux, mais devient obligatoire.
Au contraire, n'avoir jamais tort dénote un complexe d'infériorité et/ou un manque de confiance en soi, ce n'est plus une question de puissance mais une question de fierté. Face à contradiction, cette position est toujours tenable en faisant mine de préciser sa pensée. Cette position incite à la mauvaise foi, pour sauver sa fierté.

L'objectif qui se cache derrière le besoin d'avoir toujours raison est la recherche de la vérité : l'illusion de notre toute puissance nous incite à croire que nous détenons cette vérité, illusion entretenu par notre culture, notre expérience, notre intelligence et notre confiance en nous.
L'objectif caché derrière la crainte d'avoir tort est celui de ne pas être pris en défaut : la recherche de vérité est secondaire, au pire, il s'agit de notre vérité, qui s'applique à nous seul, pour nous seul, pour un cas précis, nous permettant de sortir du débat contradictoire la tête haute.

Celui qui pense avoir toujours raison acceptera plus facilement de changer d'avis, de se ranger du coté de la vérité, de reconnaître son tort. Ce tort sera reconnu de manière passagère, car en changeant d'avis, il se rangera du coté de la réalité, de la vérité (contraire à sa première affirmation) et pourra défendre ce nouveau point de vue avec la même véhémence, et affirmer à nouveau avoir raison. Pus vite le tort sera reconnu, plus vite on changera d'avis, et plus vite on aura à nouveau raison :) la logique est simple.
Celui qui ne veut jamais avoir tort n'a pas besoin de se remettre en cause face à une contradiction, il pourra continuer à tenir ses propos, toujours en les relativisant, en les minimisant : mais arrêter de tenir ses propos serait une manière de reconnaître son tort. Le mécanisme est donc beaucoup plus figé.

Conclusion, (ouf!) avoir toujours raison est un principe beaucoup plus acceptable car beaucoup plus risqué et impliquant presque obligatoirement la reconnaissance de ses torts (qui ne sont que passagers), et dénote un sentiment positif : l'excès de confiance. Ouf! car c'est un peu mon principe :) je m'en sors bien donc, ou alors c'est que je ne suis pas vraiment objectif :)
Mais le principal reste la capacité à reconnaître ses torts, et à ne pas rester figé sur une position intenable face à des preuves irréfutables.
On pourrait aussi choisir une voie moins extrême, entre les 2, mais bon, cette voie serait tiède et dénote simplement un manque de confiance en soi, ou en tout cas l'absence d'un avis éclairé : ce qui est tout à fait permis en amont d'une réflexion, mais une fois la réflexion posée, il est préférable d'être capable de se forger un avis et de le défendre, et sa défense passe forcément par une des deux stratégie citées. Ne pas avoir d'avis sur tout est normal, n'avoir un avis sur rien est un mauvais signe, signe de manque de personnalité, de confiance en soi... toujours le même dilemme : être acteur ou spectateur, prendre parti ou non.

Et au final, avoir toujours raison n'est que l'application du principe scientifique : prendre pour acquis l'hypothèse la plus crédible, la défendre bec et ongles jusqu'à preuve du contraire et la naissance d'une nouvelle hypothèse, à adopter au plus vite, sans faire jouer une quelconque fierté.

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