mardi 24 juin 2014

Un cas d'école

Imaginez, vous êtes professeur, vous avez une classe de 30 élèves, allez, disons 40, les classes sont surpeuplés, et vous avez pu de moyens (et je parle pas du directeur et de l'inspection qui donnent des directives incohérentes, voire aberrantes).

Bref, vous voilà à la tête d'une petite classe.
Vous avez :
- 5 surdoués. Tellement bons qu'ils sont en avance sur le programme, il faudrait en faire plus pour bien les occuper et éviter qu'ils se dissipent, voire qu'ils se désintéressent de l'école.
- 5 cancres : à l'opposé, ceux-là ne sont pas doués, la moitié se donne du mal mais n'y arrive pas, l'autre moitié ne cherche qu'à s'amuser et profiter de ces belles années de l'enfance
- 10 élèves juste moyen : juste comme il faut, ni trop bons, ni trop bêtes. Ils font ce qu'on leur demande.
- 10 élève un peu en dessous de la moyenne
- 10 élèves un peu au dessus de la moyenne.

Et parmi ces élèves se cachent
- 2 fayots qui cherchent surtout à vous plaire. Généralement ce sont davantage les surdoués ou les moyens.
- 2 voyous qui terrorisent les autres à la récré : ils font faire leurs devoirs par d'autres et les rackettent. Généralement ils font partie des cancres, ou des moyens.
- 5 tricheurs qui débordent d'ingéniosité pour réussir à avoir de bonnes notes sans trop réviser : ils placent leurs efforts ailleurs. Certains sont tellement bons que vous ne les avez pas identifiés comme tricheur. Ils peuvent être partout : surdoués, moyens, cancres...
- 3 élèves à problèmes : ils pourraient être meilleurs, mais sont victimes d'un mauvais environnement (mauvaises influences, famille absente ou chaotique...)

Maintenant, comment répartissez vous votre temps? Comment gérez vous vos priorités?
Vous vous moquez du contexte et appliquez le problème à la lettre, identique d'une année à l'autre, sans l'adapter à la classe, à la situation? Approche égalitaire en quelque sorte.
Vous vous consacrez davantage sur l'ambiance du travail : cadrage strict des voyous, des cancres et un peu des tricheurs (ils n'embêtent pas grand monde), quitte à perdre un peu les surdoués et à ne rien faire de marquant pour les moyens.
Vous vous concentrez sur les meilleurs : ils tireront peut être la classe vers le haut, en tout cas ils auront progressé grâce à vous sur la voie de l'excellence et seront votre vitrine.
Vous vous consacrez aux moyens : ils représentent la masse, ce sont d'une certaine manière les plus facile à gérer et à faire progresser.
Vous vous concentrez sur le règlement et la discipline : pas de triche, pas de voyous (pas de fayots non plus)
Vous essayez de mettre en place un système d'entraide entre les différents niveaux.
Vous essayez d'aider les plus défavorisés : élèves à problèmes ou cancres...
...etc...

Voilà, vous commencer à saisir une partie de la complexité du problème.

Essayez maintenant en plus de vous mettre à la place d'un parent et voyez comment ça influence votre jugement. quelque soit la catégorie de votre enfant, vous voudrez que le professeur soit aux petits soins pour cette catégorie. L'égoïsme prime toujours, peut être encore plus pour ses enfants que pour soi-même. L'idéologie ou les principes deviennent secondaires.

Et pour finir, transformer la classe en un pays, où la population est plus nombreuses, les interactions infiniment plus nombreuses et complexes, voire chaotiques. Et où l'égoïsme est nécessairement toujours présent.
Vous retrouverez les mêmes principes idéologiques : élitisme contre aide et soutien aux plus défavorisés, discipline contre laxisme, égalitarisme contre traitement au cas par cas. Les moyens sont toujours limités, on ne peut pas être sur tous les fronts et on n'est jamais sûr des effets. Il ne reste que nos convictions et nos principes pour d'abord fixer les objectifs et ensuite choisir les actions qui semblent les plus pertinentes, les plus adaptées.
L'idéologie est au fondement des actions, mais le poids des égoïsme modifie la donne. Quelle que soit l'idéologie, la majorité des parents sera du coté de la majorité des élèves : ni élitiste, ni sociale : on ne favorisera pas l'apparition de génies, pas plus qu'on aidera les plus nécessiteux. La démocratie, tant que le peuple n'a pas atteint un niveau de sagesse lui permettant de prendre un peu de recul, d'être moins égoïste, de ne pas rester sur son cas personnel ne sera que la somme des égoïsme : les idéologies s'effacent rapidement, il n'y aura pas de vision directrice.

Combien sont réellement capables de faire des sacrifices, même minimes, par idéologie, par principe? On retrouve là une forme de don, le don de soi pour participer activement à la construction d'un monde qu'on choisit, qu'on souhaite, qu'on rêve...

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